Ce documentaire nous présente un peuple guerrier et conquêrant dans l'âme : les Moghols.
On y apprend qu'à l'origine, ils étaient "un petit groupe de nomades afghans" et "descendants de Gengis Khan".
Au début du XVIème siècle, ces cavaliers s'introduisirent en Inde et à l'aide de "machines de guerre redoutables", ne mirent pas plus de vingt ans pour y construire un véritable empire.
Leurs armes (toutes inventés par eux) étaient la fusée à poudre chargée de disperser la cavalerie adverse, des arcs "à très haute vélocité", des sabres et des mousquets ainsi que des "éléphants
blindés dressés à des tactiques spécifiques".
Mais leur ingéniosité extrême ne se limita pas à la guerre : très portés sur l'architecture et comptant dans leurs rangs d'excellents ingénieurs, ils savaient aussi, par exemple, mettre
en place "d'astucieux systèmes d'approvisionnement en eau".
"Au XVème siècle, l'Inde concentre un quart de l'économie mondiale grâce à ses mines de diamant", c'est un "pays très riche qui attire tant les Européens que les Moghols".
Tout débute en 1525, quand le chef moghol Babur conquiert la déjà musulmane Delhi. Les Moghols étant "des nomades endurcis et expérimentés", on ne s'étonnera pas d'apprendre que Babur devint soldat
dès l'âge de douze ans. Ce fut, aux dires des spécialistes, un authentique "génie tactique et stratégique".
Avant de nous compter la suite de la conquête moghole, le documentaire s'arrête - car ça en vaut la peine - sur "l'arc composite inventé il y a 5000 ans par les nomades d'Asie Centrale". "Mortel
jusqu'à 90 mètres", il était l'arme de prédilection des guerriers moghols. Il possédait, nous explique-t-on démonstration à l'appui, "un extraordinaire pouvoir de perforation". "Léger et élégant",
on peut sans hésiter le qualifier de "chef d'oeuvre de technologie". A noter que les secrets de sa fabrication étaient jalousement gardés, et n'ont donc malheureusement pas été transmis jusqu'à nos
jours. L'armée de Babur était constituée de 4000 archers moghols, épaulés par une artillerie "très mobile" de canons en bronze, alors inconnus des Indiens. C'est au cours de la bataille de Panipat
que tout se décide : Babur la gagne, ce qui lui ouvre la porte de Delhi, dont il s'empare.
L'Inde, qui "est une des civilisations les plus anciennes qui soient", fascine vite les nomades qui, dès lors, "décident de s'y enraciner" et, d'abord, d'y implanter de beaux jardins, car les
jardins obsèdent ces hommes venus de contrées arides (on en a déjà vu l'exemple avec les Arabes).
"Une succession de victoires rapides" permet à Babur de contrôler "toute l'Inde septentrionale", mais il meurt à quarante sept ans.
Son successeur, Akbar, accède au trône à l'âge de treize ans. Il aura ce que l'on peut appeller "un destin exceptionnel". A vingt ans, ayant déjà consolidé son pouvoir (ce qui, chez les Moghols,
n'était pas chose facile), il décide de s'attaquer aux Rajpoutes hindous, également guerriers accomplis (le groupe ethnique auquel appartenait la grande poétesse mystique Mira-Bai). Les
Rajpoutes détenaient l'imposante forteresse de Chittor et "l'acier du Rajasthan était très réputé".
Ici, le redoutable katar rajpoute va s'opposer au non moins redoutable sabre damasquiné moghol.
"Akbar est le premier à comprendre, nous affirme-t-on, l'importance de l'armure et des éléphants caparaçonnés". Ceci mérite qu'on s'y arrête, et c'est ainsi que nous apprenons qu' "on enrolait des
villages entiers pour la fabrique des armures d'éléphant", laquelle demandait "un investissement de temps énorme". On installait trois ou quatre hommes sur le dos de ces malheureuses bêtes, Akbar
lui-même étant, ajoute-t-on, "un cornac expérimenté depuis son plus jeune âge". Les éléphants constituent les éléments-clés de l'armée d'Akbar (ce nouvel Hannibal) : "le rôle psychologique des
éléphants de guerre était très important" : ils effrayaient. On les dressait à se battre, et même, à "jouer le rôle de bourreaux" (on leur faisait, très exactement, broyer la poitrine d'un homme
allongé avec leurs pattes).
La bataille pour Chittor opposa, nous précise-t-on, 8000 guerriers rejpoutes enfermés dans leur citadelle à 4000 Moghols, qui n'eurent pas la partie facile. Ils peinèrent au point qu'Akbar en vint
à faire surélever une colline qui se trouvait devant Chittor aux fins d'y installer son artillerie qui bombarderait la forteresse. N'empêche que le siège de Chittor se prolongea des mois. La façon
dont il s'est conclu nous demeure un mystère. En 1568, cependant, Akbar finit par donner l'assaut et, "vingt quatre heures plus tard, la forteresse tomba". On sait, c'est un épisode célèbre de
l'histoire indienne, que "les femmes et les enfants de Chittor s'immolèrent tous par le feu".
Après la chute de Chittor, l'empire moghol devint énorme. Un spécialiste renchérit : "l'Inde est l'un des premiers producteurs d'armes du monde au XVIème siècle".
Les Moghols avaient une inextinguible passion des armes et ils tentaient toujours - comme on l'a déjà vu - de les perfectionner. Ainsi en allait-il, aussi, pour le mousquet à poudre, une autre de
leurs machines à tuer favorites : "il était réputé pour sa précision, même à très grandes distances, du fait de la longueur exceptionnelle de son canon", et il pouvait tout aussi bien tirer des
cailloux que des balles (en fait, il pouvait tirer toutes sortes de projectiles).
En 1568, Akbar (26 ans) "règne sans partage". Il en profite - car il a un tempérament mégalomane - pour faire construite une toute nouvelle capitale à 30 km d'Agra. Passionné d'architecture,
l'empereur s'investit énormément dans cette tâche, cependant que "des milliers d'ouvriers et d'esclaves triment pendant seize ans". Le complexe, énorme, est construit en blocs de grès rouge, et
l'on a recours à un système habile de norias pour acheminer l'eau d'un lac proche jusqu'à la ville. "Le plan de la cité s'inspire des camps de nomades du désert" (à ce détail près que, comme nous
venons de le voir, tout y est construit en pierre).
Akbar fit de sa ville, Fatepur Sikri, un haut lieu de tolérance religieuse où, chaque jeudi, il invitait des représentants de toutes les religions présentes dans le pays (Hindous, Musulmans et
Chrétiens) à venir à son palais pour entretenir des débats d'ordre spirituel...ce qui n'empêchait nullement, à côté de cela, l'empereur de disposer d'un harem très fourni auquel il tenait comme à
la prunelle de ses yeux, et où il s'arrangeait , parait-il , pour que ses concubines vivent "dans un luxe inouï" (une sorte de cage dorée).
Mais Fatepur Sikri fut délaissée longtemps avant la disparition d'Akbar-le-Grand, cet homme aux multiples facettes.
Le documentaire aborde ensuite cette autre remarquable figure de l'Empire Moghol que fut Shah Jahan. Avec Shah Jahan, l'armée moghole était toujours aussi puissante et assoiffée de guerre.
On nous présente le cheval que montaient ses "contingents presque illimités de cavaliers porteurs d'arcs composites" qui perpétuaient encore la tradition "centauresque" des steppes de l'Asie
centrale (dont témoignèrent, avant eux, les Scythes, les Huns et les cavaliers mongols de Gengis Khan et de Tamerlan). Il s'agit d'un cheval local toujours bien vivant, dont le film nous donne
l'occasion de découvrir le caractère assez étrange , surtout de par la forme particulière de ses oreilles (qui affine beaucoup son ouïe), le cheval mawari.. "Entre le cavalier et le
cheval, une véritable fusion". "Il fallait, nous dit-on, dix ans pour former un cavalier moghol".
Mais revenons à Shah Jahan lui-même : "il fait asassiner tous ses rivaux potentiels" (deux précautions valent mieux qu'une), se constitue un harem qui compte 5000 concubines. Habité d'une folie des
grandeurs encore pire que celle dont fit preuve Akbar-le-Grand, il fait construire un "trône du paon" tout en or et en pierreries. Sa mégalomanie le conduit ensuite à faire revêtir tous ses murs de
pierres précieuses.
Mais, comme c'était aussi un grand sentimental, il édifia le Taj Mahal, son oeuvre maîtresse, à l'intention de son épouse bien-aimée Mountaz Mahal, morte en couches alors qu'elle donnait le jour à
leur quatorzième enfant.
Shah Jahan est lui-même l'architecte du Taj Mahal, dont, nous apprend-on, "la structure a très bien résisté au temps" (contre toute attente étant donné le terrain sur lequel elle a été bâtie).
Le mausolée du Taj Mahal comporte dix étages; il est constitué de "briques recouvertes d'un placage de marbre blanc". "Les Moghols étaient spécialistes des dômes en cercles de briques".
Un grand jardin faisait face au monument, de l'autre côté de la rivière, avec "un immense bassin octogonal qui reflétait le Taj " , reflet (si j'ose m'exprimer ainsi) du fait que "Shah Jahan était
obsédé par la symétrie". C'est sans doute ce grand jardin et ce grand bassin aujourd'hui disparus qui ont donné lieu à la fameuse légende d'un "Taj Mahal noir".
Shah Jahan sera emprisonné au fort rouge par son propre fils Aurangzeb.
Suite à cela, les héritiers (fils) de Shah Jahan entrent en conflit, et Aurangzeb fait assassiner ses trois frères ainsi qu'un de ses neveux (charmant esprit de famille !).
Sur ce, les Mahrates hindous du Dekkan se soulèvent contre Aurangzeb. A ce moment-là, au faîte de leur "art" de fabricants d'armes, les Moghols mettaient au point des canons énormes en métal massif
(de 50 tonnes pour les plus gros).
En 1687, attiré par les mines de diamant, Aurangzeb décide de s'en prendre à la forteresse de Golconde (non loin de l'actuelle Hyderabad), "une des forteresses les mieux défendues du monde" aux
dires des savants. En raison de dispositions acoustiques fort particulières et ingénieuses, la garnison de Golconde était "impossible à surprendre". Golconde se montra aussi coriace que Chittor :
le siège dura pas moins de huit mois et si les Moghols, finalement, l'emportèrent, ce fut uniquement par la ruse, ou, plus exactement, par la corruption : un petit bakchich glissé dans la main d'un
soldat ennemi fit seul la différence !
La prise de Golconde marque l'apogée de l'étendue de l'Empire des Moghols : sous leur férule, l'ensemble du sous-continent est presque unifié (comme au temps de l'empereur bouddhiste Açoka).
Toutefois, ils ne tardent pas à s'affaiblir, sans doute faute de fortes personnalités dominantes, de la trempe d'un Akbar ou d'un Shah Jahan.
En 1780, le souverain Tipu (qui, bien que musulman, n'est pas un Moghol) fait face au début de l'invasion anglaise, en utilisant les redoutables "fusées indiennes en bambou ou en métal, lancées par
des orgues à fusées", et en alignant 6000 artificiers. Mais, en 1799, malgré toute son ingéniosité et son acharnement, Tipu est vaincu lors de la bataille de Seringapata, au Sud de l'Inde, et ç'en
est définitivement fini des Moghols, qui ont pourtant régné trois siècles et "ont laissé au monde un héritage considérable".
L'histoire des Moghols, telle que nous la voyons au travers de ce documentaire, est celle d'un fracas incessant de batailles. Mais elle porte aussi la marque d'une très haute intelligence.
Cruels, avides, ces gens-là n'étaient certes pas des enfants de coeur. L'Inde, toutefois, sut les raffiner et les indianiser. Pour preuve : ils étaient également de très brillants joueurs
d'échecs.
Documentaire intéressant : mais dieu, que la guerre n'est pas jolie !
P.Laranco.