Après les premières (et plus dures) semaines d'hosto, j'ai décidé de réagir... Ma petite nièce chérie et ma meilleure
amie (paix à son âme...) d'enfance se relayaient pour farfouiller chez moi et me rapporter miroir, maquillage non testé sur des bébêtes, tenues d'intérieur décontractes, longs t-shirts colorés...
J'avais décidé de déclarer la guerre à mon état de guimauve avachie sur un drap, et pour moi, tout commença avec le relookage de ma caboche!
Les infirmières et ma kiné étaient enchantées. Les médecins aussi, pas dupes: a y est , elle reprend du poil de la bête!
Puis, transférée en centre de rééducation fonctionnelle, je n'ai plus jamais porté de pyjama (sauf la nuit), mais des tenues sport avec des baskets à scratch pour zoner dans les couloirs de
l'hosto. Tenues sport mais jolies, des couleurs gaies... Contrairement à la neuro, on affichait au centre une certaine moquerie envers les femmes qui tentaient ainsi de se retrouver, de se
comporter comme dans la "vraie vie". Quand on passe des mois en rééduc pour apprendre à vivre avec un handicap, on ne va quand même pas attendre de rentrer pour se refaire une beauté, puisqu'elle
participe à la nécessaire reconstruction de la nouvelle image de soi! J'ai donc essuyé quelques quolibets qui ont glissé sur moi, vu le genre de personne
vile qui les émettait, mais une jeune femme hospitalisée comme moi et qui se retrouvait paraplégique suite à son accouchement et à la péridurale qui l'avait paralysée, elle, n'a pas bien pris
qu'on se moque de ses tentatives de se retrouver, de s'aimer à nouveau, d'être coquette... Alors que son moral et sa vie ne tenaient qu'à un fil et qu'il lui fallait se réconcilier avec elle-même
d'urgence, afin qu'elle s'accepte et accepte son bébé né dans ces circonstances terribles. J'ai pris sa défense en recommandant aux soignants peu délicats d'aller se former en psy avant de
plomber le moral des patients!
La première sortie autorisée (week-ends thérapeutiques chez soi dans le but d'apprendre à vivre en fauteuil roulant)
que je me suis offerte, ça a été avec le transporteur spécial handicapés, ma première avec lui, pour aller... chez le coiffeur! Carré asymétrique et raffraîchissement de mèches... Ca le faisait!
Avec mon petit maquillage discret, j'avais bonne mine et davantage l'air d'une convalescente de passage que d'une grande handicapée.
Puis, j'ai demandé à ce qu'on me ramène quelques chaînes, une bague, mes boucles d'oreilles, et on me prenait même pour une visiteuse de malade hihi!
Une fois sortie de l'hosto, ma féminité se limitait encore à la partie supérieure de mon corps, celle qui était encore
intacte. Il me restait donc le bas du corps, cette terra incognita, à conquérir...
Avec le temps, j'ai eu le courage de retoucher ce corps brisé, insensible par endroits,
j'ai dû me le réapproprier (super texte de chanson en rapport: CLIC), par des gestes d'exploration, de massages, l'enduire de crèmes pour lui communiquer que j'étais prête à la réconciliation... Me faire du bien, LUI faire du bien.
Ce travail de réconciliation avec mon propre corps, touché, dorloté, massé, huilé de lotions veloutées délicatement parfumées, même déformé par la suite avec la cortisone, m'a fait retrouver, ô joie, l'amour sous toutes ses formes.
Et quand j'ai repris mon travail, je me suis réinventé une autre féminité, une autre
sensualité: elle ne serait plus désormais, dans ma démarche chaloupée, mes déhanchements de femme ronde (moi qui emballais qui je voulais rien qu'en dansant, avant!), mon décolleté, mais
dans mon attitude entière, mes tenues vestimentaires (voire des coiffures plus sensuelles, rajouts: longues mèches tressées etc...), mon visage, et ma voix...
Et ça marche!!! (ou plutôt: ça rouleeee!)
*Réédition du 15 mai 2007*