On a souvent, trop souvent tendance à dénigrer les fictions comme étant inférieures aux histoires vraies, réellement vécues.
Voici une métaphore du storytelling des organisations : un exemple de storytelling littéraire qui montre que c’est inexact.
C’est l’histoire d’un pays qui n’existait pas. C'est-à-dire la fiction d’une fiction, donc une double fiction.
L’auteur est Jean-Paul Kauffmann, dont le talent d’écrivain est trop souvent éclipsé par son passé d’otage pendant trois ans à Beyrouth dans les années 80.
« Courlande » est donc ce pays qui n’existe pas et le titre du roman de Jean-Paul Kauffmann. Enfin la Courlande existe tout de même, mais pas en tant que pays : c’est une région de Lettonie, sur les bords de la mer Baltique, un passé très agité puisqu’envahie et pillée à de nombreuses reprises (Suédois, Russes du tsar…).
C’est donc avec bien peu de choses que l’auteur a du construire son récit de 300 pages.
Il l’appelle « pays de la désolation heureuse », parce que Courlande, cela sonne bien.
« Toujours cette morne solennité, ce minimalisme aride et lugubre, vestiges de l’ère communiste. » « Une plaine liquide qui ressemble à de la cendre ». On dit au narrateur : « vous débarquez et vous prétendez donner une réalité à un pays qui a cessé d’être ».
Le roman est fait d’une succession de rencontres y compris avec des archétypes tels que « Le Résurrecteur », un homme qui cherche les corps des soldats allemands de la deuxième guerre mondiale disparus dans la terre de Courlande.
Chaque rencontre donne du corps justement aux chapitres, partis de rien.
Alors pas besoin d’en dévoiler plus.
Cette métaphore illustre une fois de plus que le débat entre fictions et histoires vraies n’est pas central : c’est le message. Est-il authentique ? C’est gagné.