La crise mondiale du capitalisme est une excellente occasion de se poser quelques questions fondamentales : quelle croissance ? Pour quelle production ? Quelle répartition des richesses ? Paul Ariés – l’un des penseurs de la théorie de la décroissance – réalise, avec Bernadette Costa-Prades une excellente analyse de la crise actuelle dans un livre facile à lire, « apprendre à faire le vide : pour en finir avec le toujours plus ». Quant aux perspectives à travers un nouveau projet politique, elles apparaissent plus lointaines… Ce n’est pas une raison pour ne pas se poser LES bonnes questions.
Lire la suite...Pierre Regnault
Ce petit livre, plutôt bien écrit, réalise une critique tout à fait pertinente de la course vers le toujours plus de la société de consommation capitaliste.
Au plan global d’abord, si les 7 milliards d’humains voulaient avoir le même niveau de vie que nous, il faudrait 3 ou 4 planètes comme la nôtre. Six, si nous vivions tous comme les américains. Nos sommes en train d’épuiser depuis l’ère industrielle, mais surtout depuis les trente glorieuses, les réserves fossiles du globe qui ont mis 500 millions d’années à se constituer. Au-delà de notre confort, c’est notre survie qui est en jeu !
Au plan individuel ensuite, toute notre société est pensée, conçue pour travailler produire et surtout consommer toujours d’avantage. Au 19ème siècle une maison comptait 300 objets différents. Aujourd’hui 10000 ! Tous sont-ils vraiment indispensables ? Les produits actuels sont conçus pour être démodés, remplacés très vite, à crédit si nécessaire ! Pourtant cette hyperconsommation rend-elle plus heureux ? C’est le contraire qui paraît évident avec moult exemples à l’appui.
La société d’aujourd’hui avec l’esprit de compétition à outrance produit le dopage généralisé, le besoin de béquilles permanentes (produits, régimes minceur, opérations esthétiques…), le refus de vieillir. Dans cette logorrhée de surconsommation, les plus faibles sont les plus exposés. Qui ne voit d’abus inutiles, par exemple, dans la course indéfinie à l’achat de jeux pour les enfants à noël ? Les enfants nous donnent parfois une bonne leçon en jouant plus avec les emballages qu’avec les cadeaux ! Où est l’aspect éducatif de cette surconsommation ?
La perte des valeurs, de solidarité, du collectif, produit un vide que l’on essaie de combler par le toujours plus produire, consommer, avoir.
Le temps est venu de se poser les questions fondamentales, de consommer moins pour vivre mieux, pour se retrouver avec soi-même, de redécouvrir son identité, ses valeurs.
De plus en plus de tentatives individuelles se multiplient "pour apprendre à faire le vide" : temps de méditation isolé du monde, marche en montagne ou sur les chemins de Compostelle,… et parallèlement, le sens du collectif est redécouvert, car indispensable à l’être social qu’est l’homme, initiatives que l’on retrouvent à La Roche sur Yon : bourses d’échange, potager collectif, habitat collectif pour mieux vieillir et combattre la solitude, immeuble en fête, barbecues de l’été, Association pour le maintien d’une Agriculture Paysanne (AMAP)….
Gratuité, valeurs humaines, utopies réalistes, autant de valeurs que la gauche a mis en avant et qui, selon les auteurs, ont été un peu trop oubliées. Ce n’est pas mon avis, mais cette approche doit aussi être au cœur des discussions de la gauche de gouvernement. Car ce qui est sûr c’est que ce n’est pas la droite qui sera capable de proposer une croissance du « mieux vivre », mais la gauche.
Si l’analyse de Paul ARIES est juste, les solutions dans cet essai, apparaissent faibles. Cela ne décrédibilise pas pour autant son analyse de la crise actuelle que je partage et qu’il faut populariser. Il faut aussi – c’est un point d’accord – se battre pour diminuer la hiérarchie des revenus. En 1974 le revenu moyen des patrons américains les mieux payés était 47 fois plus élevé que le salaire moyen des ouvriers. En 1999, il équivalait à 2381 salaires moyens : scandaleux ! (source Observatoire des inégalités)
Il faut ensuite que l’éducation nationale reprenne sa vraie place, pour donner aux jeunes français la possibilité d’être acteur de leur propre avenir, lancer des débats partout dans le pays pour créer les conditions d’une prise de conscience plus large.
Car en démocratie il faut convaincre une
majorité de citoyens de la valeur d’un projet politique qui ne peut pas être un « moins de revenus » mais « plus de mieux vivre ».
C’est d’un nouveau projet politique que la gauche a besoin. Dans ce projet certaines idées avancées par les militants de la décroissance ne doivent pas être rejettées. Au contraire,
elles visent souvent juste. Mais cela doit sans doute aller bien au-delà. C’est une tache immense qui demandera du temps. Le Parti Socialiste se doit d’en être le principal acteur.
Bonne lecture !