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ROUTE DU ROCK, VENDREDI 14 AOUT ::: Bières, larsens et slow-gazing

Publié le 15 août 2009 par Gonzai

En mission à St Malo, Sylvain Fesson et Bester s'embarquent pour une traversée du désert, trois jours sur la Route du Rock. Raout du rock même, l'édition du bruit et des vagues. Enquête sur l'un des meilleurs festivals de France, un laptop sur les genoux avec le soleil en visière. Route du Rock, day One, c'est en dessous avec 4 mains qui transpirent.

ROUTE DU ROCK, VENDREDI 14 AOUT ::: Bières, larsens et slow-gazing
14 août. Direction Saint Malo by train donc pour bouffer du gatal pur beurre et du rock indé. Il se décline as usual, se tartine même de long en large de la programmation de ce festival rock très pointu. Et je suis curieux de voir ce que tous ces groupes ont dans le ventre, ceux buzzé dernièrement par les magazines, les faiseurs de bruit pop, psyché, intelligent, les Crystal Stilts, Deerhunter, A Place To Bury Strangers, The Horrors, St Vincent, Grizzly Bear... Que dit encore cette musique britone en 2009 ? Sur l'époque ? Gros point d'interrogation en ce qui me concerne. Ne nous embarrassons pas des habituelles descriptions de carte postale et autre pignolages Pagnolesque dont font généralement l'objet les comptes rendus de festivals, sachez juste que par flemmardise et souci d'efficacité nous nous bornerons à la grande scène en plein air du Fort de Saint-Père. "On ne peut pas toutes les baiser" comme dirait mon acolyte.

15H00. Arrivée à St Malo. Soleil, sueur. Rien.16H05. « My Bloody Valentine ne fera pas de conférences de presse ». A quoi bon finalement hein, qu'est-ce qu'on aurait bien pu leur poser comme questions, Kevin Shields ressemble de plus en plus à Bill Murray dans Lost in Translation, anyway. Translation. Certains groupes préfèrent faire des dédicaces que des conférences de presse. 17H05. Moins de sueur, moins de soleil, toujours pas de conférence de presse, c'est fou ce que j'aime critiquer parfois. NB : Penser à voir un psy, le ciel bleu me fout des angoisses compulsives.

Malgré le forfait de dernière minute de The Horrors remplacé par les méconnus Snowman, et exception faite de Magnetic Friend dont on loupera le set (partie remise : ils jouent tous les jours à 18h) cette première journée s'annonçait très bad : quasi que des groupes noyant leur soupçon mélodique dans un mur du son sale, noir, toxique. Une rythmique métronomique, tribale. En un mot des enfants de Joy Div et de My Bloody Valentine. Ça tombe bien : à la place du Moz tant désiré chaque année, c'est la mythique formation de Kevin Shields qui sera la tête d'affiche du jour, et du festival. Crystal Stilts ouvre la marche (funèbre) sous un soleil de plomb. Et avant toute déflagration on se dit qu'un truc cloche : une musique si noire sous un ciel si bleu ? Se passe ce qui doit se passer : leur esthétique psyché-goth-surf fait plouf. Le chanteur n'a aucun présence / charisme / attitude (une endive / un pantin à la Stéphane Bern vêtu de noir et de sunglasses, aussi lost sur scène que Gilbert Montagné dans un supermarché), on ne comprend rien de ce qu'il psalmodie (parodie de la voix de Ian Curtis à couper au couteau) et le groupe enchaîne des magmas qui ne vont nulle part, se ressemblent tous, tombent à plat. Et puis franchement ça sert à quoi de faire cette musique si entre les morceaux le guitariste dit des trucs au public en se marrant genre copain-copain ? Daube.

ROUTE DU ROCK, VENDREDI 14 AOUT ::: Bières, larsens et slow-gazing

18H55 : Appel du service presse. « Hello, t'oublie pas que tu fais l'interview de A Place to Bury Strangers à 19H00 ? ». 18H59. J'écoute le nouvel album de A Place to Bury Strangers, 19H07, les questions sont prêtes. C'est vraiment n'importe quoi ce travail. 19H25 : Les rockeurs noirs de Brooklyn me parlent du nouvel album, de la façon d'être un groupe en 2009.... blah blah blah blah blah... Album enregistré en home studio dans un sous-sol de New-York... Chansons dépressives qui racontent le mal de vivre... Dernière piste du nouvel album Exploding Head (à sortir en octobre, n'oubliez pas de l'acheter, car pirater c'est mal), I lived my life standing in the shadow... Non non, on a beau être bronzés et cool, non c'est pas toujours comme ca... Le manager écoute toute l'interview (Mais à quoi sert un manager bordel, dans cette situation précise ?) 19H45. Poignée de mains, hello, goodbye, fin de l'interview, j'entends les riffs rageurs de Crystal Stilts, au loin, fin du soleil.

Après une conférence de presse pathétique où le chanteur, lunette sur le pif genre je suis une star, débite des débilités à un maigre public qui gobe ça sans poser aucune question (et là me reviennent cruellement en mémoire les propos de Cheval Blanc comme quoi on accorde trop d'importance aux popeux et à leur parole), c'est Deerhunter qui s'y colle. Quelques améliorations par rapport à Cristal Stilts : le chanteur a une certaine aura (il est anorexique et ses lunettes lui donnent effectivement une morgue certaine), la musique est moins cliché Velvet-Joy Div', plus pop, joyeuse, jouant de la nuance, et conformément à leur facette « ambient » si les mecs jouent toutes guitares dehors, ils prennent soin d'enchaîner les morceaux sans un pet de temps mort. Bon, c'est pas bandant non plus (xxx) mais ça fait qu'on reste quand même devant en se disant que petit à petit... mais non.  Je m'emmerde quand même à mort. Regarde autour de moi : le public s'emmerde quand même poliment. Aurais-je perdu toute foi pop ? Cette musique ne serait-elle plus pour moi ? Non, non, non. Ce groupe ne fait juste pas avancer le schmilblick. Encore une fois ni de vraie écriture, d'attitude et de vraies chansons. Ça ne dit rien, ne fait rien, ne provoque aucune expérience (réelle, digne de ce nom), ne procure encore émotion. Next !

21H30 : début de Tortoise, set incroyable. D'autres écriront des bouquins sur le concert, la seule chose à dire que ces mecs de Chicago résistent bien au temps, j'ai le vomi qui remonte sur l'infra-basse, ils ont toujours ce look improbable de pompistes abonnés à Texaco magazine. Je suis en tongue-gazing. Stand-presse : toujours pas de conférence. Mais t'aime bien Jesus and the Mary Chain ? Non mais ouais j'aimais bien à l'époque.

Avec ou sans ? C'est un peu la question qu'on se pose avant le concert de My Bloody Valentine. Avec ou sans boules Quiès tant ils sont réputés pousser le volume à fond (ce qui leur vaut de réguliers bras de fer avec les ingé-son des lieux qu'ils investissent - rebelote ici). Les irlandais exhument s'apprête donc à exhumer une nouvelle fois le son mammouth noisy pop shoegaze de leurs deux albums cultes, Isn't Anything et Loveless. Et...so what ? Cachet excepté, l'intérêt pour eux comme pour nous est nul. Grosse bouillie infâme d'où le chant ne sort pas. Morceaux répétitifs lancinants d'où n'émergent que des tacs de tom. Potards à fond. Et finish « terroriste » réglementaire, aussi imprévisible que l'éjac faciale du porno ou le trip interstellaire hallu de 2001 odyssée de l'espace : après nos tympans le groupe ruine notre cerveau en se transformant en moteur d'avion. Absurde. Et Renaud du Cargo, le vétéran qui les avait vu à leurs « débuts », aura beau tempêter après coup, aux anges, sur le fait qu'"ils ont enfin eu le son qu'ils ont toujours voulu avoir et que c'était donc génial" (je me suis fait violer par les deux trous par My Bloody, génial !), My Bloody Valentine version 2009, c'est un peu trop d'hemorragie pour mon coeur.

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23H00 : Droopy Shields entre en scène, le concert n'est pas commencé et le frisson de l'apocalypse résonne déjà. 23H05, tiens, j'crois que j'ai perdu une oreille. Un photographe amateur se fait alpaguer par un cops, bien fait pour ta gueule, putain qu'est-ce que je HAIS les photographes amateurs, ca prend toujours des photos floues, anyway. 23H45. ZWIIIIIIIIMMMM VROUUUUUUUUU WRAAAAAAAAANNNNNGGGGGGG.....My Bloody Valentine fait encore du bruit, 45 minutes que la scène vrombit, on décolle quand ? 23H46. Note aux fans de My Bloody Valentine : merci de réécouter les disques, Shields ne chante pas, My Bloody Valentine, c'est chiant comme une bataille de dauphins en slip AVEC UN SOUS-TITRAGE EN AFGHAN.

Alors qu'on commence vraiment vraiment vraiment à me demander ce qu'on fout là (comme à Paris, même pas de logement ici, au camping, en raison d'un obscur problème d'arceaux de tente, passons) A Place To Bury Strangers prend place. Pas un mot. Obscurité. Juste trois gars. Panache, guérilla, arche de son tranchant, psyché, lacérant. Le chanteur guitariste se démène comme un Johnny Greenwood qui aurait finit de la jouer introverti. Impression fugace d'un mélange de Warlocks et de BRMC. Et...on entend enfin le chant ! Energie de tarés. Spotlights de tarés. La grosse claque du jour ce sera eux. Le groupe culte du jour eux. Chacun en conviendra après coup, rompant le voile de bullshit / hypocrisie / médiocrité que faisait planer les Bloody Valentine, Deerhunter et consorts. Enfin un groupe porté par quelque chose de plus grand que la musique. Nous empêchant d'applaudir, tellement on scotche.

ROUTE DU ROCK, VENDREDI 14 AOUT ::: Bières, larsens et slow-gazing

Fin de nuit, outsider total, Snowman fait littéralement oublier l'absence de The Horrors. Ecriture, attitude, enchaînement: tout est là, au poil, original, jaillissant. Le chanteur guitariste a de l'allure, dandy, rugueux (bagoût). Et, sorte de deuxième leader (Snowman serait-il une entité bicéphale ?) à ses côtés le clavieriste-violonniste qui chante aussi (belle voix lyrique) se lâche comme un possédé. Leurs morceaux progressifs, tendus, dramatiques nous emmènent loin.

01.05 : Ma bière vient de me larguer, j'écris un billet d'humeur sur la première journée de la Route du rock, le meilleur festival de l'année. 02.03 : Montée d'angoisse, tentative de sommeil dans la tente, The Horrors a annulé sa prestation, saloperie de cotes de porcs. Remplacé par SnowMan. 03.00. La tente tremble, le son de SnowMan est incroyablement dense, vu depuis ma tente Quechua, ca vibre sous la couette. Fin de la première nuit, j'ai surement raté le meilleur concert de la soirée. Slow-gazing sans bière, penser à acheter des cigarettes pour demain.

Photos: Cyprien Lapalus

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