La Suisse surprise de sa propre image : « De quoi avons-nous l’air ? »

DECRYPTAGE RELATIO: Sous le choc, la Suisse. « Du jamais vu ! » : c’est l’expression qui revient le plus dans les conversations et dans la presse après les incidents de samedi à Berne. « Un samedi noir » Extrême gauche contre extrême droite, le rassemblement de l’UDC empêché à Berne, des  actes de vandalismes et une police accusée d’incompétence et de laxisme…Et, dans chaque camp, des minorités agissantes : crânes rasés et sigles néo-nazis d’un coté, casseurs de l’autre.  

La présidente de la Confédération Micheline Calmy-Rey a fait part de sa tristesse. «Les libertés d'expression et de réunion sont des droits fondamentaux de notre démocratie. Il est inacceptable que quelques extrémistes les brisent par la violence», a-t-elle déclaré au «SonntagsBlick». «Les provocations et les accusations en politique laissent des traces. Il faut arrêter de jouer avec les peurs, juste pour gagner quelques voix».

La Suisse s’étonne elle-même de l’image qu’elle donne. «Je perçois des signes d'incompréhension à l'étranger. Le climat très dur contredit la tradition de paix véhiculée depuis des siècles par la neutralité. L'intolérance qui se manifeste verbalement, sur des affiches et maintenant dans la rue surprend.», relève Micheline Calmy-Rey.

« Le Temps » fait son édito de ce lundi matin sur cette image bien peu conforme aux cartes postales idylliques d’une Helvétie « faisant cohabiter dans l'harmonie plusieurs langues et cultures et ayant perfectionné à l'extrême l'exercice de la démocratie ». « Le Temps » s’inquiète même des retombées que cela peut avoir sur les affaires, « le commerce, l'industrie et la finance, sans parler du sport et de l'Euro 2008 » … 

« A Monaco, l’ordre règne…  On observe que, dans les places financières concurrentes, l'ordre règne, aucun putsch ne menace et les boucs sont sans doute interdits en ville ».
Il est vrai qu’il y a un mystère suisse. Pourquoi un tel racisme, une telle islamophobie, une telle xénophobie dans ce pays calme et paisible où l’on vit plutôt bien, même si, comme partout, il est des inégalités criardes ? Pourquoi un tel nationalisme qui est différent du traditionnel isolationnisme et du neutralisme exacerbés ? Pourquoi surtout une telle popularité pour un milliardaire  qui sait jouer sur les registres populistes certes mais qui  n’a guère de crédibilité pour régler les problèmes qu’il dénonce ?

Pourquoi le simple respect des engagements de la Suisse auprès du Conseil de l’Europe n’a-t-il pas fait  interdire la parution et la diffusion de la désormais fameuse affiche au motif du mouton noir, «une propagande de toute évidence raciste». Pourquoi l'UDC est-il le seul parti populiste de droite en Europe qui s'est renforcé en participant à un gouvernement ? Haider a explosé en vol : Blocher se porte bien…De mieux en mieux, même.

 « De quoi avons-nous l'air ? », s’interroge Le Temps… « On entend des rumeurs de complot et de putsch, les parlementaires s'insultent, un ministre milliardaire domine le jeu politique et se livre au chantage en menaçant de paralyser le système institutionnel s'il n'est pas réélu, le pays semble être sous la coupe des criminels étrangers, l'islamisme menace et un puissant voisin médite de nous réduire à merci. Telle est l'image qui se dégage de la propagande électorale et de la vie politique au quotidien. Si l'on laisse le son en coupant l'image, c'est à peu près le tableau clinique d'une république d'Asie centrale qui se dégage »...
Dans quinze jours, les urnes auront la parole...