Lisse comme de la soie…

Publié le 15 août 2009 par Boustoune

La soie est une matière textile que l’on associe volontiers aux concepts de douceur, d’élégance et de sensualité. Au vu de Soie, nouveau film de François Girard, on lui prêtera également des vertus lénifiantes.
Quel ennui ! Du beau roman d’Alessandro Baricco (*), le cinéaste canadien a tiré un mélodrame d’un académisme plombant, trop prévisible, trop lent et dépourvu d’âme.
 
Certes, l’histoire, fidèle au roman, présente un certain charme. On est touché par les tourments du personnage principal, Hervé de Joncour, aussi fragile émotionnellement que les œufs de ver à soie qu’il fut chargé d’aller chercher au Japon pour sauver de la faillite la soierie de son village, rudement touchée par l’épidémie qui décima les élevages de vers à soie au milieu du XIXème siècle. Un voyage périlleux et éprouvant qui a scindé son âme en deux, entre deux pays, deux cultures, et deux femmes d’égale beauté.
La beauté, on la retrouve aussi dans les images des paysages ensoleillés d’Ardèche ou dans celles des forêts enneigées du Japon féodal, magnifiquement captées par la caméra du chef opérateur Alain Dostie. On la retrouve encore dans les costumes, les décors, très soignés…
Oui le film est élégant et émouvant. On n’en attendait pas moins d’une production hollywoodienne dotée d’un budget confortable et portée par une pléiade d’acteurs de talents.
                                                                
Ceux-ci montrent d’ailleurs plutôt convaincants. Malgré le manque d’épaisseur de leurs rôles et leur faible temps de présence à l’écran, Keira Knightley et Alfred Molina parviennent à insuffler un peu d’âme à leurs personnages. Même qualité de jeu chez leurs confrères nippons. L’excellent Koji Yakusho, acteur-fétiche de Kioshi Kurosawa, apporte tout son charisme et son intensité de jeu à son personnage de maître de guerre et Sei Ashina est d’une troublante sensualité. Mais c’est sur les épaules de Michael Pitt que repose réellement le film. Son personnage est de quasiment tous les plans du film, et il parvient à restituer avec force et sensibilité la détresse de son personnage, carcasse vide ayant laissé son âme près d’un lac embrumé, perdu dans les montagnes japonaises…
 
Cela aurait donc pu donner un beau film si la réalisation avait été à la hauteur. Ce n’est pas le cas, hélas. Pour reproduire le style d’écriture « soyeux » de Baricco, François Girard a choisi de privilégier la lenteur – 1h45 de film pour un roman de seulement 145 pages, c’est un peu long… – et une mise en scène feutrée à l’extrême. Mauvaise pioche ! L’ensemble paraît inutilement maniéré et dégage une impression de lenteur telle que l’ennui s’installe peu à peu, de façon irrémédiable. Et La musique de Ryuichi Sakamoto n’arrange rien. Monocorde et lancinante, elle est parfaitement en phase avec le rythme imprimé par la mise en scène. Autant dire qu’il est inutile d’aller voir ce film si vous êtes en manque de sommeil, à moins de justement rechercher le pouvoir somnifère offert par cette adaptation mollassonne.
Cela dit, malgré ses partis-pris de mise en scène hasardeux, on peut considérer que François Girard a réussi son pari. Soie, le film, présente les mêmes caractéristiques que Soie, non pas le livre, mais le tissu : Luxueux, glacé, élégant… et affreusement lisse…
Note :
(*) : « Soie » d’Alessandro Baricco – coll. Folio – éd. Gallimard