Le billet de Nelson m'a rappelé un sujet que j'avais envie d'aborder depuis fort longtemps avec vous sur ce blog.
Je pourrais moi aussi vous parler de ce lien si fort que je tisse à l'égard de mes racines.
Certes, je suis fils d'immigrés portugais né en France.
Certes, je n'ai connu du pays que ces nombreux étés où un périple d'environ 18h accouchait de la destination tant attendue.
Certes, je n'ai que trop rarement l'occasion de pratiquer la langue que j'ai du redécouvrir après trop d'années d'idiotie adolescente où l'on rejette la différence.
Et pourtant...pourtant ce Portugal je l'ai dans mes tripes, dans mon âme.
Et je crève cette année de ne pouvoir m'y ressourcer et présenter à ma famille mes deux jeunes enfants.
Oui, je pourrais vous parler de ma lusitanie et des nombreuses fois où l'on ma demandé: tu te sens plus français ou portugais?
...comme si l'on pouvait renier une partie de son identité au profit d'une autre.
"Et toi, tu préfères ton père ou ta mère?" Voilà les réponses silencieuses que j'aurais voulu parfois leur opposer. Mais j'y ai toujours répondu avec affection car c'est à chaque fois l'occasion pour moi de parler de mes racines.
Oui, je pourrais vous parler de cet esprit rural et si authentique qui donne au Portugal cette chaleur, cette hospitalité, cette générosité.
Je pourrais vous parler de tout cela. Mais l'image idyllique ne serait qu'imparfaite. La nation portugaise n'est pas parfaite.
Il est une caractéristique bien particulière qui détermine son identité et qu'il est d'usage de ne point traduire: la saudade.
Cette saudade est bien plus que ce qu'un dictionnaire pourrait vous en dire. Littéralement, c'est la nostalgie.En réalité, la saudade portugaise est un état d'esprit teinté à la fois de nostalgie et de mélancolie, une sorte de spleen ibérique. Toutefois, contrairement à ce dernier, ce n'est pas un sentiment individuel mais bien un extrait de l'âme du Portugal.
Le Portugal est empli de saudade. La génération de mes parents en déborde.
Avec ses qualités et ses défauts.
La saudade sait être inspiratrice. Combien de fadistas ont-ils chanté à sa gloire?
Amalia Rodrigues en est encore l'icône aujourd'hui.
Mais elle sait aussi schléroser. Trop de portugais restent prisonniers d'une gloire passée et passéiste du pays, lorsque d'autres se complaisent particulièrement dans les lamentations stériles.
Et pourtant les portugais n'entretiennent pas cette relation ambigüe avec leur identité, relation si caractéristique aux français: ils sont extrêmement fiers de leur pays. J'en suis moi-même très fier.
Finalement, c'est un peu comme ses parents.
On les idéalise à 10 ans, on les conchie à 15, on les fuit à 20, on les retrouve à 30, puis on finit par les regretter.
J'ai autrefois maudit cette saudade. Aujourd'hui, je la célèbre.