Je vous le disais il y a quelques semaines (ici) je fais partie du jury du Prix littéraire des lectrices de Elle 2010. Au programme : 28 livres à recevoir gratuitement, lire, commenter et noter. Si les trois premières étapes me réjouissent (quel plaisir de se plonger dans des univers si différents vers lesquels je ne serais pas forcément allée a priori) mettre des notes est pour moi un vrai casse-tête, m'y étant toujours refusée pour les critiques de films. Il va donc falloir réveiller le professeur qui sommeille très très lointainement en moi (si lointainement que je doute de pouvoir le faire sortir de sa léthargie) pour me plier à l'exercice. Je ne mettrai donc pas de note ici mais vous livrerai mes commentaires au fur et à mesure de mes lectures que je viens de débuter par « Paris-Brest » de Tanguy Viel.
Qu'il s'agisse d'un film ou d'un livre, j'attends toujours la dernière seconde ou la dernière page, avant de porter un jugement définitif, un plan ou quelques lignes suffisant parfois à faire basculer l'ennui, la consternation, la vacuité en intérêt, étonnement, sens ou à témoigner de la malice d'un réalisateur ou d'un romancier dont ces éléments étaient destinés à rendre le revirement final plus spectaculaire. Avec « Paris-Brest », j'ai donc attendu la dernière page, la dernière ligne, le dernier mot. En vain. Je n'a pas réussi à mettre un terme à l'agacement qui a prévalu.
Résumé de la quatrième de couverture : « Il est évident que la fortune pour le moins tardive de ma grand-mère a joué un rôle important dans cette histoire. Sans tout cet argent, mes parents ne seraient jamais revenus s'installer dans le Finistère. Et moi-même sans doute, je n'aurais jamais quitté Brest pour habiter Paris. Mais le vrai problème est encore ailleurs, quand il a fallu revenir des années plus tard et faire le trajet dans l'autre sens, de Paris vers Brest. »
Voilà, Paris-Brest, c'est l'histoire d'un trajet, de deux trajets en fait : du trajet entre Paris et Brest que fait le narrateur romancier, de quelques jours dans le Finistère Nord après avoir quitté Brest trois ans plus tôt, et du trajet entre le roman et le roman dans le roman. (« J'ai pensé : c'est comme les poupées russes, maintenant dans la maison familiale il y a l'histoire de la maison familiale. ») Le trajet géographique et la mise en abyme.Bien sûr il y a le Finistère Nord, la bourgeoisie de province esquissée, justement croquée (sommairement néanmoins), le style dépouillé, les phrases, longues, rythmées, mêlant ironie et suspense (qui tombe d'ailleurs à plat), que nous lisons avec une sorte d'avidité. Et puis l'argent, mobile éternel de crimes insidieux, pas forcément sanglants. Bien sûr il y a la littérature questionnée : est-ce qu'on peut tout raconter dans une autobiographie? Les liens étranges, parfois périlleux ou pervers, entre la fiction et la réalité.
Tout cela est habile, se lit bien et vite, comme dans un souffle, pourtant subsiste un goût d'inachevé, et surtout l'impression de lire un nouveau roman donc un roman suranné, une démonstration stylistique un peu vaine, même si elle n'est pas dénuée de charme et de personnalité. Un Paris-Brest qui m'a complètement laissée sur le bord de la route, néanmoins.
Prochaine critique du Prix littéraire des lectrices de Elle 2010 : « L'homme qui m'aimait tout bas » d'Eric Fottorino.