Les nombreuses manifestations dans les rues de France m’ont toujours laissé l’impression que les travailleurs français étaient fortement syndiqués. Je viens de réaliser que ce n’est vrai que pour ceux qui sont de la Fonction publique puisque le taux de syndicalisation des autres qui œuvrent dans le privé est très faible. Il est même, et de beaucoup, le plus bas de tous les pays de l’Union Européenne.
Les centrales syndicales françaises qui regroupent ces ouvriers du privé ne sont donc pas fortes et, par conséquent, pas très influentes. On l’a vu récemment lorsque les ouvriers de l’usine de New Fabris de Châtellerault, sous-traitant de Renault-Peugeot, ont été victimes d’une mise-à-pied importante à cause de la crise économique. Ces derniers ont réagi en réclamant une indemnité de départ de 30,000 euros, tout en menaçant de faire exploser leur ex-usine, s’ils ne la recevaient pas. Un vrai « hold-up ». Puis, vivement, des employés mis-à-la-porte d’autres entreprises, aussi affectées par la crise, ont imité les newfabrisiens. Ces menaces de violence se sont ajoutées à un grand nombre d’actions individuelles sur le territoire français : séquestration de dirigeants d’entreprises, destruction d’équipements manufacturiers, saccage de magasins de grandes surfaces, ravages de fruits et légumes importés d’Espagne, etc. Cela m’a rappelé l’action de José Bové, le syndicaliste fermier, qui avait fait sauter le restaurant Macdonald de Millau au nom de la malbouffe et de la protection des agriculteurs.
Seuls, les ouvriers français agissent ainsi en Europe. Je suis étonné de constater qu’ils sont supportés par un grand nombre de leurs concitoyens qui défendent leurs actions. Cette surprenante singularité française est inacceptable dans une démocratie. Si les travailleurs industriels français étaient membres de syndicats en plus grand nombre, ces derniers pourraient mieux les défendre, organiser des « grèves de solidarité » et obtenir des patrons des règlements acceptables, comme l’ont fait les syndicats de l’automobile aux USA et au Canada. Au lieu d’agir seuls, les travailleurs devraient être solidaires.
La violence est indéfendable tout comme la menace de violence. Et lorsqu’il y a violence, il faut qu’il y ait punition. Encore-là, la France me surprend, car les poursuites judiciaires devant être initiées par les procureurs, suite aux méfaits, sont rarement faites. Malgré que le tout soit publicisé dans tous les médias, les coupables connus, les dommages évalués, les procureurs du gouvernement s’abstiennent de prendre les actions pour amener tout ce beau monde devant un juge, prétextant qu’il faut « ramener la paix sociale » et que des actions légales ne feraient qu’envenimer à nouveau la situation. Les manifestants ont donc beau jeu et savent, avant de commettre leur crime, qu’ils ne seront pas punis. Ce n’est pas beau çà !
Mieux encore, le gouvernement, qui condamne toujours dans un premier temps les actions des émeutiers, propose vite des solutions et de l’aide financière. Dans le cas de Fabris, par exemple, les grévistes ont obtenu une « prime supra légale » de 11 000 euros au lieu de l’irréaliste montant de 30 000 euros qu’ils réclamaient.
Alors… si ces ouvriers ont gagné leur point avec leurs méthodes violentes, pourquoi les autres aux prises avec des problèmes similaires ne seraient-ils pas tentés de faire de même ? La violence entraînera la violence, personne ne sera puni et les revendicateurs gagneront. Ce n’est sûrement pas une façon normale de faire dans une société qui se doit de protéger toutes ses personnes incluant les personnes morales.
« Les procédés de chantage avec violence sont inacceptables » disait un ministre français récemment. À mon avis, ce devrait être le leitmotiv de tout gouvernement et il devrait agir en conséquence, ce qui n’est pas le cas du gouvernement français.
La seule et vraie solution est la solidarité des travailleurs français réunis dans des syndicats responsables qui ont le respect et l’autorité morale nécessaire pour négocier honnêtement, intelligemment et même durement, si nécessaire, des solutions justes et équitables avec les patrons pour les ouvriers qui sont victimes de la saignée actuelle des emplois.
La violence est l’arme des faibles, l’union est celle des forts.
Claude Dupras