A.S. Byatt : Les écrivains peuvent tuer en s'emparant des autres

Publié le 14 août 2009 par Actualitté
Antonia Susan Byatt n'a pas vraiment sa langue dans sa poche : plus connue sous le diminutif A.S. Byatt, elle est l'auteure d'une trentaine de romans, dont le dernier, L'ombre du soleil, a été publié en avril dernier chez Flammarion. Fervente du pouvoir de l'imaginaire, elle s'en est prise aux écrivains qui intègrent des personnages réels dans leurs ouvrages.
Ce qu'elle nomme le style « faction » reste un mélange de biographie, de fiction, de journalisme et d'invention... pour finalement ne créer qu'un marasme qui n'accomplit pas le pouvoir de l'écriture. « Ça ressemble à de l'appropriation de la vie des autres et de leur intimité », explique-t-elle. Et pourtant, Oscar Wilde apparaît dans son livre The Children's Book ! Sans que le romancier ne lui fasse dire ce qu'il pense, précise-t-elle.
L'avènement de ce livre, justement, c'est aux écrivains et à leurs enfants qu'elle le doit, ayant remarqué que ces derniers finissent souvent malheureux, et se suicident même. « Mon idée première était que les auteurs souhaitaient prolonger leur propre enfance, et que leurs enfants n'avaient alors pas de place pour être eux-mêmes. » L'absence et la solitude de l'écrivain impactent immanquablement une famille, et l'on passe souvent à côté de la vie remarque-t-elle.
Mais elle souhaite mettre en garde surtout contre le pouvoir de l'écrit et du livre, et l'introduction de personnes réelles dans des histoires : « Je connais au moins un suicide et une tentative qui ont été provoqués par la présence de personnes dans des romans », explique-t-elle.
L'existence des blogs et de Facebook a fait que nous sommes tous désormais des écrivains potentiels et les confidences faites sur l'un ou l'autre nous dévoilent aussi crûment que violemment. « Facebook et les blogs ont aussi causé des suicides. Les écrivains ne comprennent la force de l'écriture que trop tard », déplore-t-elle.
« Force de l'écriture ? Ne serait-il pas plutôt question de la fragilité des êtres ? » nous demande l'écrivain Richard Khaitzine. Le débat est ouvert...