Comment être un Saint [le titre de l'émission]
En perte de vitesse, l'Eglise catholique sort son joker : elle fabrique à toute
allure des Saints. Le Vatican mise sur l'exemple de croyants modèles pour doper l'adhésion des fidèles. Bonne nouvelle pour la Suisse romande, l'allègement des procédures de canonisation
pourrait profiter à une petite couturière fribourgeoise : Marguerite Bays. Mais est-ce que tout cela est vraiment catholique ?
Le ton est donné.
L'émission elle-même, qui dure 48 minutes, reste sur ce ton, tout du long. Car faussement objectifs - ils donnent certes longuement la parole à des représentants de l'Eglise
catholique et à des fidèles - les journalistes agrémentent leur reportage de commentaires fielleux et des remarques pseudo-historiques de Patrice Borcard. C'est ce
qui avait amené mon ami Adrien de Riedmatten à souligner que la télévision suisse romande émettait depuis...Calvingrad.
Plusieurs fois au cours de la journée une présentation de 40 secondes égrenait cette rengaine récitée par la sémillante Anne-Frédérique Widmann :
L'Eglise catholique connaît une crise sans précédent. Alors elle fabrique des saints pour renforcer la foi des fidèles (...) Bientôt une couturière
fribourgeoise canonisée. L'Eglise se lancera-t-elle dans le prêt-à-sanctifier ?
Le résumé de l'émission sur le site propre (ici) de celle-ci
est moins démagogique et plus conforme au fond des choses. Je le reproduis donc parce qu'il m'évite de résumer l'émission pour ceux qui ne l'ont pas vue :
Autrefois, fabriquer un saint était long et compliqué et bien rares étaient les personnalités qui avaient les honneurs de Rome. Dès le début du XXe siècle, les
papes ont allégé les procédures de béatification et de canonisation. Mais c'est Jean-Paul II qui les a radicalement simplifiées. A dessein, le Pape polonais a fait des Saints l'une des armes de
sa nouvelle évangélisation. Durant son pontificat, il a béatifié et canonisé davantage que tous les papes avant lui. Ces trente dernières années, ils sont ainsi quelque 2500 a avoir
[sic] été élevés au rang de catholiques exemplaires. Et grâce à ces nouvelles règles, la Suisse romande pourrait bien voir sa première sainte canonisée
à Rome. La Fribourgeoise Marguerite Bays est proche du but. Cette petite couturière du XIXe s. a déjà franchi une étape décisive : en 1995, elle était béatifiée par Jean-Paul II lui-même.
Aujourd'hui, elle est devenue l'attraction du petit village de Siviriez dans la Glâne. Sa maison natale est devenue un lieu de pèlerinage et tous les 27 du mois, jour anniversaire de sa mort,
l'église paroissiale est prise d'assaut. Mais pour être élevée au rang de Sainte, il faut que deux miracles soient attribués à Marguerite Bays [la médaille
ci-dessus reproduite provient du site consacrée à la bienheureuse ici]. Selon ses fidèles
défenseurs, la couturière aurait sauvé un jeune homme en 1940 lors d'un accident de cordée. Et il y a quelques années, c'est une fillette de 22 mois qui aurait miraculeusement survécu à un
accident de tracteur grâce à elle. Temps Présent a enquêté sur ces miracles et même retrouvé des témoins directs, convaincus des pouvoirs de la couturière. Mais ces pouvoirs ne font pas
l'unanimité...
Rediffusion le vendredi 14 août 2009 à 01h et le lundi 17 août 2009 à 15h15 sur TSR2.
Un reportage de Bertrand Theubet et Pierre-Olivier
Volet Image : Yves Dubois Son : Gianni Del Gaudio Montage : Monique Preiswerk
Les journalistes, en particulier Eric Burnand, auraient pu s'en tenir à cet exposé des faits somme toute assez neutre et, à la
limite, acceptable, mais pour se donner des airs d'indépendance d'esprit ils n'ont pas pu se retenir de faire des commentaires fielleux, indignes de la part d'employés de la
télévision nationale d'Etat, censée représenter le pays.
Florilège :
Parlant de la crise sans précédent que connaîtrait l'Eglise - les journalistes de la TSR montrent là leur ignorance crasse en matière d'histoire
religieuse - ils ajoutent :
Les gaffes du pape n'ont rien arrangé.
Les internautes qui me lisent savent que les prétendues gaffes participent d'un montage médiatique on ne peut plus grossier.
Adeptes du jeu de mots laids ils disent que l'Eglise a décidé de :
Montrer ses saints.
Pour illustrer le fait que Jean-Paul II a béatifié et canonisé davantage que tous les papes avant lui et que Benoît XVI reste dans cette lignée, ils disent par
exemple :
La machine à fabriquer des saints tourne à plein régime.
Pour illustrer que la procédure de sanctification est simplifiée ils disent que rejoindre le club des saints en est
facilité.
L'emploi des expressions fabriquer des saints, doper l'adhésion des fidèles, prêt-à-sanctifier, gaffes du pape, montrer ses saints, rejoindre le club des
saints, n'est pas innocent. D'autant que par exemple l'expression fabriquer des saints est répétée comme un
leitmotiv tout au long de l'émission...pour qu'elle bourre bien le crâne des téléspectateurs.
Le but de ces soi-disant journalistes est clair : il s'agit de faire croire que l'Eglise fabrique des saints, sous-entendu de toutes pièces, sans être trop regardante sur les miracles invoqués
pour les causes présentées, que ce faisant elle cherche à redorer son blason en favorisant la superstition et en insistant sur le côté magique des modèles proposés à la vénération des fidèles.
Ce sont là propos de profanes qui ne supportent décidément pas le sacré, qui le leur rend bien.
Francis Richard