Je ne vous cache pas que c'était avec curiosité et appréhension que je m'y suis rendu. En effet, vu de loin par le philistin que je suis, je pouvais craindre de classer Martin Parr dans la même catégorie de photographe que David Lachapelle.
En effet, tous deux jouissent d'une renommée ayant dépassée les frontières des happy few de l'art contemporain ou de la photographie. Tous deux jouent beaucoup sur les forts contrastes des couleurs et sur des mises en situation (ou mise en scène coté Lapchapelle) qui de loin peuvent sembler très appuyées. Bref, on peut imaginer avoir des cousins.
Or, j'avais ici-même eu l'occasion de dire combien l'exposition Lachapelle qui avait été donnée à la monnaie de Paris montrait les limites du photographe. Voire la nullité de son travail (nous sommes entre nous).
Fin du suspens, "Planète Parr" est une superbe exposition et Martin Parr n'a rien d'un David Lachapelle. L'une des originalités de l'exposition est qu'elle montre à voir sur tout le rez de chaussée des photographies et objets de la collection de Martin Parr.
C'est intéressant à plusieurs titres.
D'abord parce que les oeuvres exposées sont pour la plupart excellentes. Qu'il s'agisse de l'esthétique, mais surtout du propos.
Plusieurs sections sont proposées. Une, consacrée à des photographes anglais, une autre à des photographes d'autres pays : Japonais, Américains, Allemands.
La section anglaise est passionnante. On plonge ici dans une véritable étude sociologique des classes populaires de l'Angleterre des années 50, 60, 70 et 80. Et j'ai trouvé que ces photos rassemblées sont une grande déclaration d'amour sous forme de poème visuel à cette angleterre ouvrière et modeste des films de Ken Loach.
Les autres sections montrent subtilement des différences de préoccupation et de choix de sujets traités par les phototgraphes. Une sensualité bizarre pour les japonais, un optimisme plus marqué pour les américains, une industrialisation post traumatisme de la seconde guerre mondiale pour les allemands. Bien entendu, ces subtiles différences viennent tout autant des artistes que du choix fait par Martin Parr pour monter sa collection.
Bernd et Hilla Becher
A ce stade de l'exposition, on comprend déjà que Martin Parr ne doit surtout pas être résumé à ce cabinet de curiosité qui présente des montres Saddam Hussein ou du PQ Ben Laden dont la plupart des communiqués de presse nous rabattent les oreilles. On comprend en fait toute l'intelligence, la sensibilité et le grande culture de l'homme.
Autre motif d'intérêt de cette démarche d'une exposition présentant une partie de la collection de l'artiste : son humilité est ici dévoilée. En effet, c'est sans problème que Martin Parr montre dans sa collection de très grands photographes, ses ainées, dont il a pu s'insipirer. Il ne s'en cache pas. Et je trouve cette démarche signe de son amour pour la photographie, de son respect pour l'histoire de la discipline. Une histoire dans laquelle il s'inscrit pleinement dans la continuité.
Je passe ici rapidement sur la collection d'objet pour passer aux photographies de Parr des séries "Luxury", "Small World" et "The Guardian Cities Project" qui sont au premier étage.Tout y est ou presque. La forme, le fond, et un accrochage magnifique. Avec un discours peut-être assez simple mais subtilement amené : nous sommes tous égaux. En mirroir des classes les plus modestes présentées dans la section anglaise du rez de chaussée, les photographies de Parr renvoie les mêmes attitudes, les mêmes poses, parfois la même fragilité, et toujours la même humanité, avec un soupçon de gentille cruauté tout de même à l'endroit de certaines de ses "victimes".
Martin Parr