Le G20, la crise financière génèrent un monceau de balivernes. L’incontinence verbale, faute d’action concrète, s’observe lors de chaque intervention d’un “responsable” politique ou d’un chroniqueur expert. La propension à célébrer les puissants dans la presse est simplement stupéfiante. La propension à raconter tout et son contraire au sommet de l’État relève de l’hypnose.
Avec quatre mois de perspectives, une rapide revue de presse du 3 avril 2009 laisse interloqué. C’est à l’unisson que les “grosses Bertha” de la presse hexagonale louent les prodiges du G20, tenu à Londres. Dithyrambiques à l’endroit du compulsif président français, les éditorialistes y vont de leurs meilleures plumes pour retracer glorieusement les étapes d’un sommet qui mènera vers un monde nouveau, dit-on. Un monde débarrassé de la finance parasitaire. “Un G20 pas vain” titrera en une le perfusé quotidien Libération. Outre la pauvreté du calembour, la presse de gauche-yacht club s’extasie à l’énoncé des paroles de dirigeants de la planète. On y reprend in extenso les lubies sarkoziennes sur les spéculateurs et le risque. L’organe central de propagande Élyséen titrera, lui, sobrement “Un accord mondial pour un nouveau capitalisme”. L’exhibitionniste E. Mougeotte déverse sur son lecteur tout l’amour qu’il porte à son petit président. Et c’est poisseux. Le journal des loueurs de voitures et des compagnies aériennes s’entête dans l’hémiplégie idéologique. En pâmoison devant les folies boursières après l’annonce du milliard provisionné de la BNP*, Le Figaro inaugure le dénie de réalité avec ces 10 signaux positifs qui prouvent que la reprise est là**. Pour E. Fottorino, crésus du quotidien vespéral, “les paradis fiscaux perdront en attrait et les traders en rémunération”. Le Monde, anciennement quotidien de référence, publie crédule, sans retenue, absolument n’importe quoi. C’est certain, la presse est bien en crise. Le journal de la finance La Tribune ne s’embarrasse pas de fioritures, plagiant F. Fillon au meilleur de sa forme (en juin 2007) avec un vertigineux “Le choc de confiance”, en une.
Sur les chaînes de télévision tournent en boucle les déclarations solennelles sur la moralisation de la finance. Certains banquiers et traders ont peut-être eu un léger frisson leur parcourant l’échine tant les mines étaient sérieuses, déterminées et les montages complaisants.
Depuis les annonces sur les banques tombent et le constat est sans appel. Rien n’a changé dans les pratiques. Journalistiques et banquières.
Les traders continuent à bâfrer. Ces gangsters diplômés n’ont pas l’intention de se laisse plumer. Pendant ce temps, les plumitifs de la presse nationale frappés d’amnésie tournent en rond dans leurs rédactions désertées. Incapables de prendre du recul sur ce qu’on leur raconte, et sur ce qu’ils produisent.
Quel journal télévisé a ouvert sur les déclarations emphatiques du président N. Sarkozy du 3 avril 2009 puis mis en perspective ce discours avec les événements actuels ? Tout n’était que vents et gesticulations, rien n’a été moralisé dans le système capitaliste. La presse va-t-elle donner les moyens au spectateur, au citoyen de s’interroger sur la possibilité qu’un tel système économique puisse se moraliser ? Apportera-t-elle à un moment, l’éclairage suffisant pour rendre compte que les politiciens ne font que remplir des espaces médiatiques ?
La presse accompagne gracieusement le discours politique. Parallèlement, elle bombarde de dépêches isolées ce qui pourrait mettre les puissants en position délicate. On n’en peut pas encenser d’une part, avec déploiement de pédagogies et laisser d’autre part, les éléments critiques sans fondements analytiques. Les dirigeants de la presse française ont des intérêts croisés avec le pouvoir. Qui va bien au-delà des subsides de l’état. Ce sont surtout des castes endogènes.
Mais il y a aussi la paresse et le confort rédactionnel. Il est tellement plus simple de laisser déblatérer C. Lagarde que de lui mettre le nez dans ses foutaises. Finalement, c’est une médiasphère sans recul, qui pratique le suivisme et qui se pose en pilier de la démocratie. Mais au lieu de l’éclairer, elle la déforme.
*Inéffable Y. Thréard le 6 août 2009 p.19
** p.22 du 10 août 2009