L’identité féminine, tout un programme. Avant d’aller voir l’accrochage féminin de Beaubourg, militant et programmatique, il est bon de faire escale au centre culturel Wallonie Bruxelles, juste en face. La féminité qui s’y affiche n’est pas moins affirmée, mais, au moins dans la première partie de l’exposition (jusqu’au 27 septembre), elle est puissante, sexuée, corporelle.
Des oeuvres pleines de traces, d’empreintes, de fragments : Kiki Smith, outre son Autoportrait
masqué, décline sur de très beaux linotypes des organes humains, cœur, poumon, trompes, estomac, qui évoquent les monstrations sexuées deVanessa Fanuele : devant eux, rappelant l’’éjaculation‘ de Kiki Smith vue à Jérusalem, des ‘sculptures’ de Laurence Dervaux enfermant dans des réceptacles de verre des Fluides humains blanchâtres ou sanguinolents avec une crudité déconcertante. Annick Blavier (Sans titre) prélève des morceaux du quotidien, deux mains nerveuses, un entrejambe furtif, les décline, les colle ensemble ; Sylvie Eyberg fait des gros plans anodins et mystérieux, cadrés trop près pour que l’histoire soit intelligible, mais agrémentés de légendes ambigües : ‘‘(in the) mean – entretemps’’. On se demande un peu ce que fait The Bronx de Sophie Calle au milieu de ces débordements corporels. Par contre Nancy Spero parle du corps de la femme abusé, avili, torturé (au Chili sous la dictature). C’est une autre oppression que montre Ana Mendieta, dont le corps nu s’estompe dans le paysage (Silueta Works in Iowa). Après les cris, les chuchotements : la deuxième partie est plus intime, plus classique et on a plus de mal à saisir l’originalité de Sylvie Canonne, de Bénédicte Henderick ou de Frédérique Loutz, dont les œuvres paraissent bien plates à côté d’Annette Messager ou de Louise Bourgeois, pourtant représentées seulement par des dessins tout simples. Heureusement la démoniaque Françoise Petrovitch relève le gant, avec ses compositions inquiétantes conjuguant innocence, sexualité et danger : des fillettes pré-pubères, hagardes, les yeux exorbités voisinent avec des animaux étranges, le tout baigné de couleurs crues et sanglantes (Tenir Debout).
Enfin, j’ai bien aimé le livre-accordéon d’Anne de Gélas, ‘Sur une intimité –qui m’inquiète’, narration d’une maternité à peine évoquée, dévoilement progressif du corps et apparition d’éléphants rêvés, composition linéaire avec des vignettes rebelles qui parsèment le livret (Le secret ou la question du journal intime).