Scène 11
Les mêmes, moins Cunégonde, plus Daktari
DAKTARI (Se frottant les mains)
Ah, vous êtes tous là ! Que cela tombe bien !
LA MADONE
Allos bon, maintenant, voilà le mongolien !
Le traître à son parti, le Grand Humanitaire,
Qui vient baver devant notre cher grabataire.
DAKTARI
Ton amabilité, si connue parmi nous,
Qui dans le monde entier a tant fait de remous,
Ne m'empêchera pas ici de triompher :
Grâce à moi les vaccins sont en sécurité.
ROSIE (Fronçant les sourcils)
Que veux tu dire ?
DAKTARI
Et bien, je m'en suis emparé,
Dans un autre frigo, je les ai transférés.
Ils sont bien à l'abri dans mon cher ministère
Gardés par des agents et de belles panthères.
ROSIE (Qui devient peu à peu toute rouge)
Tu as fait tout cela, et sans me prévenir ?
DAKTARI
Je t'ai cherché partout. Mais il fallait agir
Avec célérité. Car ton vieux frigidaire
Ne vaut pas mon abri bien antinucléaire.
ROSIE (Se précipitant vers lui et commençant à l'étrangler)
Espèce de vieux con, radasse déplumée !
Par toi, affreux nabot, j'ai failli trépasser !
Mais tu vas le payer, c'est toi qui vas partir
A ma place là-bas, tu vas aller gésir !
DAKTARI
A l'aide ! J'étouffe !
SCARLATINA
Un autre assassinat !
Mais dans le meurtre ici, c'est un vrai championnat !
Fifi, Lanlan, pitié, faites donc quelque chose !
ROSIE (Continuant d'étrangler Daktari)
J'en ai assez de toi, j'ai même l'overdose
De ta stupidité, de tes initiatives
Et je vais t'étrangler pour que ta mort s'ensuive !
FIFI (Libérant Daktari)
Assez ! C'est indécent !
LANLAN (Retenant Rosie)
Déplorable spectacle !
Parmi nos rangs, hélas, c'est vraiment la débâche !
Retrouvons par pitié un peu de dignité
Ou bien des électeurs nous serons la risée.
SCARLATINA (Dubitative)
N'est-ce pas déjà fait ? (A Daktari) Cher docteur, ça va mieux ?
DAKTARI
J'ai le cou en morceaux.
FIFI
Il exagère un peu.
Tu t'es fait secouer* comme un triste prunier,
Mais j'absous là Rosie, tu l'avais mérité.
DAKTARI (Pleurnichant)
Je croyais bien agir et n'avais à l'esprit
Que faire de mon mieux, ainsi que le prescrit
La charte politique à laquelle j'adhère.
LA MADONE
A quoi adhères-tu, dis-le moi, pauvre hère ?
Rien qu'à tes intérêts.
LA LANGOUREUSE ARIELLE
Et bien, comme tous ceux
Que je vois réunis dans cet insigne lieux.
SCARLATINA
Il faut que maintenant j'aille voir mon chéri
Afin de raconter cette péripétie,
Et que de Cunégonde au verbe magnanime
J'aille porter secours en ce moment sublime.
(Elle rentre dans la chambre à droite.)
Scène 12
Les mêmes, moins Scarlatina
FIFI
Beaucoup de bruit pour rien, telle est donc la morale
De tous ces grands discours, de cette joute orale
Qui eut lieu aujourd'hui, dans ce couloir désert,
Recouvert de poussière et plein de courants d'air,
Que Dieu merci personne à part nous n'entendit :
De quoi aurions-nous l'air ?
LA MADONE
Peut-être de bandits.
Plus sûrement de sots, poussant le ridicule
Jusqu'à lâcher en nous la moindre particule
De cette intelligence à nulle autre pareille
Et qui dans nos partis a fait tant de merveilles !
ROSIE
L'Antarctique s'éloigne et je sens ma colère
M'abandonner aussi. Ainsi donc, je tolère,
Près de moi ce vieux schnock, mais pourvu qu'il se taise.
FIFI
Son rôle est terminé.
DAKTARI
Ah, je me sens fort aise.
Car par moi, Dieu merci, la classe politique
Est sauvé du virus, d'une problématique
Vacance du pouvoir si cette épidémie
Venait bien affaiblir toute l'économie.
ROSIE (A part)
Je fais quoi, je le gifle ou bien je fais semblant
De ne point avoir ouï ce qu'a dit ce manant ?
(Nouveau barouf dans la chambre de droite. Puis on entend distinctement quelques mots.)
(A suivre)