Presque deux heures d’entretien avec cet homme. Une heure et demie en tête à tête avec Francine Ruel, suivie de questions de l’assistance. Remarquez, je parle de « tête à tête » et pourtant Marc Levy était sur une scène ! Je suis admirative et reconnaissante de ce que Francine Ruel a réussi ; lui faire oublier la scène. J’ai assisté à son entretien sur la Terrasse de la Marjolaine et il regardait et aimait s’adresser à l’assistance. Il en avait une conscience aigüe, alors quand il est arrivé sur la scène du Théâtre La Marjolaine, il s’est exclamé « Je ne vous vois pas ! ». Doucement, judicieusement, madame Ruel l’a amené à s’épancher comme dans son salon. Il nous a raconté plein de savoureuses anecdotes mais en pleine noirceur, adieu le carnet de notes !
Je m’en souviens particulièrement d’une qui a un rapport avec son père. Avec des parents comme les siens, impossible pour sa sœur et lui de se prendre au sérieux. Pas de gonflement d’égo possible. Il nous en fait la démonstration. Pour Les enfants de la liberté, il n’arrivait pas à avouer à son père qu’il voulait aborder le sujet de la résistance, se doutant que celui-ci serait récalcitrant, le passé étant le passé. Il s’est donc débrouillé seul, effectuant des recherches, puisant dans la vie de son père. Ce dernier prenait couramment des nouvelles de la prochaine histoire, alors le fils a dû en inventer une. Pendant l’année qu’a duré l’écriture, son père s’informait et le fils répondait aux questions, s’embrouillant dans son histoire imaginaire. Le père confiait à la mère son inquiétude, trouvant que cette fois-ci fiston faisait fausse route avec cette histoire complexe. De son côté ML utilisait sa mère comme agente très spéciale pour cuisiner le père qui a fini par confier à son fils « Ta mère est bizarre ces temps-ci, elle est obsédée par la guerre ». Le jour où Marc Levy lui a remis le manuscrit pour une lecture urgente, il s’est sauvé, la peur au ventre. Quand il est revenu, son père a simplement déclaré « Je ne me souvenais pas que ça avait été aussi dur ». Je réalise qu’il y manque la saveur. Ai-je vraiment besoin de dire qu’il est un remarquable conteur ?!
Il a parlé de ses parents, ensemble depuis 50 ans et qui se tiennent encore par la main et se bécote ! Francine Ruel lui a fait remarqué qu’il parle beaucoup des relations de couple, oui et il croit au couple, aimer rend l’homme vulnérable et c’est ce qu’il y a de plus beau, un homme vulnérable. Nous avons appris que sa femme est canadienne et était dans la salle.
J’ai été conquise par sa simplicité, sa générosité aussi. Je regrette de ne pas avoir eu l’idée de lui poser cette simple question : qu’est-ce que la rencontre avec vos lecteurs vous apporte ? Avouons que plusieurs écrivains resteraient à leur table de travail si ce n’était du côté promotionnel de ces rencontres, aussi j’aurais aimé entendre la réponse d’un romancier qui a vendu 17 millions et est traduit dans 41 langues. Cela ne doit pas être pour vendre encore plus de copies, non ?
Son petit (gros) dernier, Le dernier jour met en scène un couple ; il est astrophysicien, elle est archéologue. Pour Marc Levy, il en ressort qu’il a été exigeant de faire parler des personnes plus savantes que lui !
Et quant à y être, j’ai un autre regret ; ne pas avoir eu le temps d’acheter et de faire dédicacer un exemplaire pour Marc, pour notre prochaine lecture à voix haute. Faut dire que Marc a déjà fait de la fouille archéologique et se passionne pour l’astronomie.
Je me considère privilégiée d'avoir assisté à cette rencontre, je ne vois plus cet écrivain de la même manière, en fait, je le vois maintenant plus comme un homme que comme un écrivain. Et de ça, je crois qu'il serait heureux.
Je réclame votre indulgence pour les photos, elles sont prises du balcon ... J'ai fait le mieux que je pouvais !