Le Musée Rodin l’été est un endroit bien agréable, mais surpeuplé. Il accueille jusqu’au 23 août une exposition sur la fabrique du portrait, qui présente de manière assez synthétique les portraits sculptés (et peints) faits par Rodin. Qu’il s’agisse de commandes ou de portraits d’amis, on n’y sent que rarement le souffle génial de ses grandes compositions mythiques. Peut-être la ‘cuisine’ est-elle trop présente dans cette expo (dessins préparatoires sous tous les angles, travail d’après photos, utilisations de pseudo sosies pour les modèles morts, comme Balzac pour qui pose un cocher de Tours –ressemblance régionaliste).
Les hommes sont souvent en bronze, présence ‘plus forte et incisive’, les femmes en plâtre ou en marbre, matières supposées plus douces. Nombreuses sont les têtes féminines (Rose Beuret, Camille Claudel convalescente, Madame Fenaille ci-dessus) émergeant d’une gangue de marbre où la chair et la matière brute se fondent : ce sont déjà les prémisses d’une sculpture plus dépouillée, moins représentative, où la forme prévaut sur l’image.
Les sculptures les plus intéressantes sont celles où les formes se défont (ainsi les têtes de Clémenceau), se penchent déraisonnablement (comme un Victor Hugo en bronze sur un immense socle de pierre noire) ou flottent sur un voile venteux telle la tête en plâtre d’Henry Becque perchée sur le cou de l’ombre et sur une palette incongrue. C’est dans ces recherches extrêmes que Rodin s’affranchit de la commande, du beau portrait et affirme son génie créatif.
Le plus beau portrait est pour moi cette tête-masque de Camille Claudel à laquelle la main gigantesque d’un des Bourgeois de Calais (Pierre de Wissant) semble donner son envol.
Il est frappant que l’exposition d’art contemporain au même moment à l’Hôtel Biron ait tout à faire avec les masques comme refus du portrait, refus de l’identification. Gillian Wearing présente des vidéos toutes sur le même thème : des personnages portant des masques aberrants racontent une expérience traumatique de leur vie, des histoires de maltraitance, d’abus, d’abandon. Le plus étrange est que les lèvres du masque ne bougent pas, seuls la glotte et les yeux sont mobiles. La présentation veut évoquer un confessionnal : c’est surtout très inconfortable et, si nul ne reste longtemps dans ces salles, c’est autant dû au caractère répétitif des témoignages qu’à l’inconfort engendré par cette scénographie. De plus, une des vidéos n’est même pas sous-titrée en français, ce qui n’est pas très sérieux. Une bonne idée bien mal exécutée. Restez avec Rodin.