Si Boris Vian vivait encore, il
hallucinerait probablement sur la pauvreté artistique affichée de la
moitié des chanteurs contemporains. Car 50 ans après sa disparition ce natif
des Hauts-de-Seine reste
dans les mémoires comme un artiste prolifique attiré par tous les
domaines de la création (dramaturgie, poésie, peinture, cinéma...).
Référence à l'une de ses chansons célèbres, "On n'est pas là pour se
faire engueuler" est donc le titre de cette oeuvre très dense qui a
mobilisé des artistes impliqués et connus pour leur authenticité
créative. Regroupés en deux parties ("chansons probables" et "chansons
improbables"), ces morceaux étonnent autant qu'ils restent fidèles à
l'esprit un peu zinzin de Vian. C'est Katerine qui permet d'étayer ce
propos, à travers une session alcoolisée ("Je bois") composée en forme
de réflexion sur la vie. L'ambiance vire à la douleur quelques mesures
plus loin, sur une "Blouse du dentiste" bluesy agrémentée de la voix de
Maurane, terriblement caractérielle dans son rôle de malade inquiet.
Ouvert aux artistes évoluant aussi en dehors de la sphère musicale,
pourvu qu'ils soient authentiques, "On n'est pas là pour se faire
engueuler" met à l'honneur les voix graves d'une Agnès Jaoui intrigante
("L'année à l'envers") et d'une Jeanne Moreau poétique ("Que tu es
impatiente"), qui répondent à un Antoine de Caunes hystérique ("Cantate
des boîtes"). Au final, ce joyeux recueil de chansons, essais et autres
poésies rappellera aux anciens le personnage riche de Vian et donnera
l'occasion aux plus jeunes d'explorer l'univers d'un amoureux des mots,
qui disparut probablement un peu trop tôt.