Tout le monde l'a compris. L'heure de vérité est arrivée. Le temps de la régulation financière a vécu. Ces grandes banques et institutions financières ou d'assurance avaient failli disparaître il y a à peine un an. Elles étaient plombées par des paris boursiers hasardeux et une surenchère de crédits insolvables. Un an plus tard, elles sont de nouveau profitables, et veulent rembourser au plus vite les aides et prêts publics dont elles ont bénéficié il y a quelques mois. Insulte de symboles, on reparle aussi de bonus. Et toujours en millions d'euros.
Les banques n'ont-elles rien compris ?
Les banques ont tout compris. Rembourser vite pour gagner plus. Aux Etats-Unis, le schéma est le même. Goldman Sachs est soigneusement sortie du piège de la quasi-nationalisation, sous l'administration Bush, avant de ne de devoir rien à personne, et surtout pas à l'Etat: elle va rembourser les 10 milliards de dollars reçus, et pouvoir verser quelques 11 milliards de bonus à ses traders! L'assureur mondial AIG, nationalisé en août 2008, vient d'annoncer de juteux profits (1,8 milliards de dollars pour le seul second trimestre 2009). En France, BNP-Paribas a confirmé (1) qu'elle rembourserait d'ici la fin de l'année le prêt public (5,1 milliards d'euros) dont elle a bénéficié fin 2008; (2) qu'elle avait déjà dégagé quelques 3 milliards d'euros de profits au premier semestre, et (3) qu'elle prévoyait de verser un milliard d'euros de bonus à ses collaborateurs compte tenu de leurs performances. Colette Neuville, l'active présidente de l'Association de défense des actionnaires minoritaires (ADAM), s'indigne: "On retombe dans les mêmes errements qu’avant la crise. Ce qui est extrêmement choquant, plus encore que le versement des bonus en lui-même, c’est que les banques continuent à prendre des risques sur les marchés pour accroître leurs bénéfices et persistent à employer un mode de rémunération qui incite les traders à le faire." BNP Paribas se sent tranquille, "droite dans ses bottes": « Les chefs d'Etat réunis dans le cadre du dernier G20 de Londres ont, non pas proscrit ces bonus, mais édicté des règles pour éviter les dérives qui ont favorisé la crise », a déclaré un porte-parole du groupe à l'AFP.
Sur Marianne2, on peut lire la réaction, également indignée mais nettement plus riche en constats et propositions, de Didier Cornardeau, président de l'Association des petits porteurs actifs (APPAC): primo, le secteur bancaire français est oligopolistique ("Il faut savoir que BNP Paribas aujourd’hui est presque sans concurrence"); deuxio, le gouvernement n'a pas le choix que d'édicter une loi de véritable régulation ("L’efficacité passe par une loi votée au parlement et non pas par des recommandations qui n’aboutissent à aucune sanction.").
Les Etats impuissants.
On vous l'avait dit. Les garanties et aides que la Sarkofrance s'est empressée, avec raison, d'accorder aux grandes institutions financières du pays à l'automne 2007 pêchaient par l'absence de contre-parties sérieuses. La seule "intervention" publique fut le pantouflage de quelques conseillers de Nicolas Sarkozy: Mariani, Pérol, etc. Le pantouflage des copains comme nouvelle régulation ? En Sarkofrance, les vessies ne sont jamais assez grosses. Colette Neuville n'est pas optimiste: "Qu’il y ait un débat parlementaire sur les métiers de la banque me paraît utile. Mais le problème ne peut pas être réglé au niveau national. C’est une affaire de régulation mondiale." Autant dire que cette dernière n'a pas eu lieu. Les déclarations tonitruantes de Nicolas Sarkozy en avril à Londres ou en juillet en Italie n'étaient qu'annonces sans lendemain.
Ces derniers jours, le monarque français a tenté de réagir. Convalescent, Nicolas Sarkozy s'est empressé de convoquer les représentants du secteur bancaire à une réunion chez lui... le 25 août prochain. Eric Woerth, son ministre du budget, a souvent l'indignation facile, ... mais pas sur les bonus bancaires. Ces derniers jours, il a pu parler des projets de jeu en ligne de l'Olympique Lyonnais (jeudi), de l'augmentation des loyers de logements de fonction (lundi), ou de la taxe carbone (vendredi). Mais rien sur les banques. De son côté, Christine Lagarde aboie, comme son chef et faute de mieux : elle aura "une tolérance zéro pour les excès".
Or le problème est ailleurs. Le principe même des bonus induit des comportements collectivement irresponsables. Mais cela, Lagarde ne veut visiblement pas l'entendre...