Après une absence de dix-sept années à la mise en scène, Patrick Tam nous revenait en 2006 avec After This Our Exile/Fu Zi, un drame qui se situe en Malaisie dans la communauté chinoise. On y suit Lin, une femme qui veut quitter le foyer familial déliquescent, son mari Chow Cheung-sheng est un joueur invétéré. Ce dernier est prévenu par Lok-yun, leur fils qui surprend sa mère en train de faire ses bagages, c’est le début de la fin…
After This Our Exile, c’est une claque. Une œuvre cinématographique d’une maîtrise incroyable. On savait de Patrick Tam qu’il avait tout d’un grand. Un cinéaste de talent qui n’avait plus réalisé depuis My Heart is that Eternal Rose (1989) avec Tony Leung Chiu-Wai. Avec cette œuvre, il pourrait envoyer derrière les pupitres un grand nombre de soit disant réalisateur. Dans cette œuvre, tout est soigneusement maîtrisé, travaillé, de l’image au son. La composition du plan avec une photographie aux couleurs chaudes, les ambiances sonores. La mise en scène est tout bonnement impeccable, le rythme est lent, une lenteur contemplative, implacable, une puissance des images laissant transparaître le jeu avec conviction des acteurs.
Patrick Tam en plus d’être un excellent metteur en scène, excelle dans la direction des acteurs, il parvient à trouver en eux cette petite chose qui fait la différence. Son travail est d’autant plus remarquable lorsqu’on connaît les prestations catastrophiques à l’écran d’Aaron Kwok. Ce dernier trouve ici l’un de ses meilleurs rôles pour sa meilleure interprétation. Tout y est, l’émotion, il l’a transmet, rien ne vient gâcher ce qu’il montre à l’écran. Et si Patrick Tam parvient à en tirer le meilleur, il le fait également pour son actrice Charlie Young naturellement superbe, sans oublier le tout jeune King-to Ng dans le rôle de l’enfant, incroyable par sa présence.
Ce que l’on attend également d’un cinéaste en plus d’avoir cette main mise technique et humaine, c’est son rapport à l’histoire et à ses personnages. Il ne porte aucun jugement, aucune compassion, jamais. Savoir garder une distance intelligente en laissant parler les images, voilà la force de Patrick Tam dans After This Our Exile. Une force qu’il parviendra à transmettre du début jusqu’à cette fin emprunte d’une tristesse bouleversante. La dure prise de conscience d’un enfant, celle de la réalité qui le montre comme la seule victime d’un couple qui s’en est sorti chacun de leur côté. L’enfant, la seule véritable victime lorsque le couple va mal. C’est cela qui frappe et qui marque plus que tout autre chose, c’est le voir lui, dix ans après à travers cette prise de conscience en flash-back et un montage qui s’affole. Il est seul, seul au monde, une solitude asphyxiante se consume durant le générique final… ouah.
S’il fallait attendre dix sept ans chaque œuvre d’un cinéaste pour aboutir à ce Cinéma là, l’attente ne serait pas veine. La maturité tout en quiétude d’After This Our Exile fait de Patrick Tam un maître à part entière dans la grande famille du cinéma.
I.D.