Considérations sur l'étrangeté

Publié le 10 août 2009 par Cetaitdemainorg
L'homme, depuis toujours, a besoin d'étrangeté car sa présence au monde est étrange. Et ce besoin est d'autant plus vif que les civilisations constituent une tentative d'explication du monde, par la religion, la science, la philosophie... Aujourd'hui, en ce siècle dont la vitesse brouille les limites du réel, défigure l'espace et le temps, l'homme consomme de l'étrangeté comme il consomme des hamburgers. Soumis à des pressions de plus en plus violentes dans sa vie ordinaire, professionnelle, sexuelle même, il va trouver de l'étrangeté dans de mauvais films fantastiques, dans des pratiques de l'extrême, (sports, drogues, sexe), ou en livrant sa conscience émiettée à des théories ésotériques. Il croit ainsi échapper à sa banalité et se trompe doublement. Ces exutoires de pacotille ne l'aident en rien à devenir un être singulier donc remarquable. Deuxièmement, c'est dans la banalité même qu'il pourrait trouver l'étrangeté qui nourrirait sa pensée. Mais il faut pour cela s'autoriser beaucoup de disponibilité. Il s'agit d'inverser le rapport au temps. Ce n'est pas lui qui nous manque mais nous qui lui manquons. Il suffit de dire : "Zut ! Ce dossier attendra, rezut ! je n'irai faire les courses qu'après-demain, les gosses mangeront des pâtes..." et le temps retrouvé vous offrira toutes sortes de flâneries. Vous verrez une pierre de votre jardin comme vous ne l'avez jamais vue, vous saisirez dans la rumeur de la circulation des nuances insoupçonnées et les bâillements du chat tout à sa fatigue vous amèneront à considérer votre propre lassitude en des termes peu communs. Enfin libre puisque vous aurez conquis votre temps personnel, vous entrerez dans l'étrangeté naturelle du monde et de l'homme. Elle fera votre singularité car vous savez que les perceptions ne sont pas une captation du réel. Elle accompagnera votre banalité sereinement assumée car vous aurez découvert au détour du chemin la lucidité qui rend humble.