Comme l’ont découvert (sans doute) Napoléon au cours de son séjour à Sainte-Hélène, Louis Lance Neil Armrstrong en marchant sur la Lune ou encore M’âme Tripoux pendant ses dernières vacances au célèbre camping "le Crin Blanc" du Grau du Roi (sa piscine, son flipper, ses bedonnants joueurs de pétanque devisant gaiement autour d’un pastis bien mérité à la tombée du jour), comme l’ont découvert, disais-je, ceux et celles qui, un jour, eurent à affronter bravement l’absolu silence, la terrible solitude et l’indicible isolement d’un exil temporaire: "Un homme seul est toujours en mauvaise compagnie".
Moi-même, il y a peu, je me faisais la réflexion, après quelques semaines passées en la seule compagnie des (stupides mais bienveillants) moutons de la (superbe mais tout de même bien paumée) Baie du Mont Saint Michel, que si l’observation quotidienne des Huîtriers Pie, Pluviers argentés, Oies bernaches et autres oiseaux (eux aussi bien cons, mais tout de même fort sympathiques), le tout dans un silence presque total, pouvait être une source non négligeable d’apaisement et de bien-être spirituel et moral, il fallait bien reconnaître que l’un dans l’autre, trois semaines en pleine nature, coupée du monde et des méfaits de notre société consumériste et ultralibérale, étaient un peu l’équivalent estival d’une bonne grosse purge médicinale qui associerait une ingestion répétée d’huile de foie de morue et des lavements quotidiens à base de glycérine concentrée.
En clair: c’est sans doute fort thérapeutique, mais à la fin, ça donne plutôt envie de se saisir d’un fusil mitrailleur de fabrication soviétique et d’abattre sans sommations tous les connards de volatiles passant à proximité en hurlant "Potemkine! Potemkine!" tandis que la stéréo enfin rallumée braille en boucle "Anarchy in the UK" et que la télévision finalement rebranchée diffuse sans discontinuer des images bucoliques de la dernière petite sauterie afghane, de l’occupation d’usine la plus récente et du tout dernier accident industriel.
Or donc, partant de ce constat et me rendant compte, à mon corps défendant, que je me trouvais à peu près dans l’état physique et mental d’un héroïnomane ayant été privé de sa drogue pendant trois semaines (ou d’un président de la République bien connu se retrouvant à court de poudre blanche colombienne et d’albums de Didier Barbelivien), je te laisse imaginer le soulagement qui fut le mien quand, regagnant mes pénates grisâtres et pollués de la banlieue de la capitale, je pus enfin me ruer sur mon ordinateur, ma radio et ma télévision (simultanément, je te prie de le croire) afin d’emplir compulsivement, avec une frénésie presque pathologique, les plis et replis de mon cortex cérébral trop longtemps au repos avec les milliards de décibels de la Voix du Monde diffusée par les incontournables (et merveilleux) médias que sont Rance Info, l’Immonde, Libations (hic!) ou encore TF1, Rance Télévision et autres Rance Inter (Ecoutez la déférence, comme le dirait fort justement l’immense Philippe Val).
Voix qui, j’en étais certaine, allait avec bonheur substituer aux insupportables "cui-cui" et "meuh-meuh" d’une nature trop tranquille, les indispensables et enivrantes enquêtes méthodiquement fouillées sur les derniers développements du scandale des sondages commandités par l’Elysée, les motivations économiques de la crise russo-géorgienne, les futures implications du sommet de l’ALENA ou encore l’écrasante responsabilité des grandes banques dans le surendettement des ménages français lié au crédit revolving.
Bien évidemment, et tu noteras au passage que je suis une indécrottable optimiste dont la naïveté n’a d’égale que la stupidité quasi aviaire, sitôt le poste allumé, j’ai été assaillie d’images d’actualités ressemblant toutes à ceci:
Quant aux gros titres de la cyber-presse et de tes quotidiens favoris, ils annonçaient gravement que Michael Jackson n’était peut-être pas le père biologique de ces trois blondinets tout droit sortis d’une campagne de recrutement pour les Jeunesses Hitlériennes, que Nicolas Sarkozy avait eu un petit coup de chaleur et que (Oh mon Dieu!) Johnny Hallyday avait quelques soucis avec ses assureurs.
Bien.
Si tu le permets, et après mûre réflexion, j’ai décidé de partir m’enterrer quelque part au sommet du Mont Popocateptl (ou Bouclier Fumant, si tu es féru de linguistique et que tu possèdes quelques rudiments de Nahuatl).