Ces derniers mois, les Français sont submergés par une actualité économique d’une densité exceptionnelle. Une avalanche de concepts économiques remplit les ondes et les journaux. Subprimes, taux directeurs des banques centrales ou fonds d’investissement font désormais partie du quotidien. Or, à moins d’avoir longuement étudié l’économie, il n’est pas aisé de comprendre les causes du naufrage économique actuel. En revanche, les conséquences, elles, apparaissent facilement identifiables pour les Français : chômage, dette publique, stagnation des salaires… notions avec lesquelles les habitants de l’hexagone sont familiers depuis de longues années.
Une moyenne de 6 sur 20 à un QCM
Dans un contexte où l’économie a pris une telle envergure dans la compréhension de l’actualité, l’étude LH2 pour la Fondation Nationale pour l’Enseignement et la Gestion des Entreprises (FNEGE) révèle des résultats édifiants : il s’agit d’un questionnaire à choix multiples sur la connaissance des Français de l’économie en lien avec l’entreprise. Dans ce sondage-QCM, la note moyenne des Français est plus que médiocre : 6/20. Pire : seuls 7 % des Français ont au moins 10/20 !
Les hommes meilleurs que les femmes
Sans surprise, plus les personnes ont de diplômes et un statut social élevé, et plus leurs connaissances se révèlent étendues. On enfonce ici une porte ouverte…
Déjà plus surprenant : le sexe est également un facteur clivant décisif sur le niveau de connaissance : désolé mesdames, mais les hommes se montrent plus brillants que vous dans cette discipline.
Enfin, l’information la plus instructive : si la possession du bac est en soi un facteur probant sur le degré de connaissances, en revanche le type de bac obtenu n’influe en rien sur la note. Ainsi, les diplômés d’un bac où l’économie constitue une composante essentielle (bac ES, B ou technologique option économie-gestion) n’ont même pas de meilleurs résultats que leurs équivalents scientifiques ou littéraires. Ce serait donc les médias qui distilleraient avant tout le savoir économique lié à l’entreprise, plus que l’école.
Une vision dévalorisante de l’entreprise
La note en elle-même n’a qu’un intérêt relatif : elle dépend avant tout de la sévérité de la notation ou de la difficulté des questions. En revanche, l’interprétation des bonnes et des mauvaises réponses est révélatrice de l’idée que se font les Français de l’entreprise.
Ainsi, nos compatriotes connaissent très bien « l’économie du quotidien » : la TVA n’a pas de secret pour eux, et ils savent très bien qu’AXA s’occupe des assurances, par exemple. Ils connaissent assez bien les modalités de gestion des entreprises : une majorité d’entre eux connait le rôle du comité d’entreprise ou sait ce que sont les administrateurs qui nomment le PDG des grandes entreprises.
Cependant, parallèlement se dessine une vision déformée des entreprises. Au travers des mauvaises réponses, les Français exposent implicitement leur représentation de celles-ci. Ils les voient plus grandes qu’elles ne sont, versant aux actionnaires des dividendes plus importants qu’ils ne le sont en réalité. Ils sous-estiment les contraintes auxquelles elles doivent faire face : le montant des charges sociales qu’elles versent est ainsi amoindri. Leur rôle dans l’économie est lui aussi considérablement déprécié, la proportion de richesses qu’elles créent est largement sous-estimé : 6 % seulement sait qu’elles représentent plus de 80 % de la richesse produite en France ! Enfin, elles sont jugées comme usant à profusion les contrats précaires : 4 % seulement des Français sait que les CDD et l’intérim ne représentent pas 10 % de l’ensemble des travailleurs.
Toutes les erreurs vont ainsi dans le même sens : vers une dévalorisation de l’entreprise.
Enfin, dernier grand thème : l’Europe. Sur les avantages de l’euro, la méconnaissance est totale : les interviewés semblaient répondre presque au hasard aux questions s’y rapportant. Ils sous-estiment également son poids dans notre économie en évaluant très faiblement la part des exportations françaises vers les pays de l’UE.
Des Français pas dupes de la faiblesse de leurs connaissances économiques
Qui est le responsable d’une telle vision de l’entreprise ? Un enseignement scolaire orienté ? Une information partiale délivrée par les médias ?
Les Français sont pleinement conscients de leurs lacunes économiques, et considèrent celles-ci comme un handicap. Dans un sondage TNS Sofres du 20 novembre, les trois quarts d’entre eux jugent l’information économique « ni accessible, ni compréhensible ». L’économie apparaît ainsi comme un domaine dont la compréhension nécessite des connaissances techniques, et les canaux d’information et d’enseignement traditionnels ne semblent pas jouer un rôle pédagogique satisfaisant. Pour faire face à ce déséquilibre, l’immense majorité des Français réclame un langage plus simple de la part des médias (92 %), et la généralisation de l’enseignement de l’économie dans le secondaire (80 %).
C’est dans les brèches de la méconnaissance que plongent souvent les racines des a priori erronés qui desservent souvent l’audace des entrepreneurs, et des perceptions négatives qui peuvent créer un certain désamour des Français à l’égard des entreprises.