Après avoir essuyé plusieurs refus auprès d’éditeurs “traditionnels”, Cathie Fidler, auteur de Un rêve de table rouge, a eu plus de chance auprès d’un éditeur de livres numériques. Elle nous raconte dans le cadre de notre série « J’ai publié en numérique » son expérience, et nous livre quelques unes de ses réflexions sur l’édition électronique et son application au quotidien.
Pouvez-vous nous présenter en quelques lignes votre parcours d’auteur et les œuvres majeures que vous avez publiées jusqu’à présent ?
J’ai commencé à écrire tardivement, en tout cas en français, car mes premiers essais se sont faits en anglais. Je n’ai donc pas de « parcours » d’auteur, j’ai commencé à près de soixante ans avec un récit à deux voix que j’ai naïvement envoyé à de nombreux éditeurs ‘traditionnels’, pour recevoir la lettre de refus tout aussi traditionnelle à chaque fois. Naturellement cela ne m’a pas fait très plaisir, mais j’ai continué à écrire…
J’aimerais que l’on parle de votre première expérience en tant qu’auteur, qui a été directement publiée au format numérique. D’abord, quelle est l’œuvre que vous avez publiée, et pour quelle maison d’édition ?
Pour le suivant, Un rêve de table rouge, je n’ai même pas essayé de l’envoyer aux éditeurs traditionnels. Par hasard, je suis tombée sur le site d’Edilivre, je le leur ai envoyé par email et il a été a accepté très vite. Ce qui m’a fait très plaisir, c’est aussi d’apprendre que leur sélection était rigoureuse. Ils ne publient qu’un petit pourcentage de ce qu’ils reçoivent.
Est-ce que le fait de savoir que votre manuscrit n’allait pas être publié sur un support papier a changé votre façon d’écrire ?
Non, puisque je l’avais déjà écrit. Et en l’occurrence, Edilivre publie des deux façons, sur papier, avec impression à la demande, et sur le site, en téléchargement à un prix très raisonnable.
Je ne pense pas que le choix du support final changera mon approche de l’écriture, mon travail sur la langue, les mots.
Je ne l’ai pas envisagé pour l’instant, mais au fond, pourquoi pas. On peut être moins réticent à utiliser des variations de police de caractère par exemple, ou de l’iconographie. Dans mon roman, il y a du reste des touches visuelles qui m’ont amenée à discuter de la mise en page avec les éditeurs et à faire des choix moi-même.
Quelle a été votre réaction lorsque vous avez vu votre œuvre en numérique ?
Bien entendu je l’ai vue tout le long du processus d’édition, j’avais choisi l’illustration de couverture moi-même, mais lorsque j’ai reçu le pdf en vue du BAT, j’ai été très impressionnée tout de même.
Comment la promotion de votre livre a été faite ?
C’est le problème. Je pense que l’auteur n’est pas la meilleure personne pour assurer la promotion de son œuvre. Personnellement j’en vois les défauts, les faiblesses, je pense que c’est normal, mais cela me met mal à l’aise pour aller le promouvoir auprès des libraires par exemple.
Sur le site, le livre est bien répertorié, bien décrit et présenté, dans une collection bien définie, mais c’est tout.
Cela dit, Edilivre propose des affiches pour des signatures dans les librairies, et de superbes marque-pages (Un paquet est envoyé avec les premiers exemplaires commandés).
Quels sont, selon votre expérience, les avantages et les inconvénients du numérique ?
Je connais plusieurs personnes qui ont un e-reader Sony et qui donc n’hésitent pas à investir quelques euros dans des lectures numériques, alors qu’elles hésiteraient à dépenser plus de 10 euros pour un livre d’un auteur inconnu.
(J’ai eu également le plaisir de voir que mon livre avait été acheté par des lecteurs vivant aux USA ou ailleurs, et qui n’auraient pas eu envie de rajouter des frais de port à leur achat).
Les plus jeunes seront attirés par ce mode de lecture, ludique et familier. Les écrans font partie de leur vie.
Les avantages matériels sont évidents. Encombrement, transport, prix… La solution définitive aux problèmes de poids des cartables et sacs des étudiants, et des valises des voyageurs-lecteurs.
Certains (plus vieux!) sont encore réfractaires aux écrans, mais ils n’ont pas encore vu la qualité de lecture sur les ebooks.
Personnellement je ne vois que les avantages, sans penser que le numérique tuera le papier. Mais j’adore ce medium, alors je ne suis pas très objective.
Croyez-vous que le livre numérique et le développement des supports de lecture électronique vont susciter de nouvelles vocations côté lecteur et côté auteur, faire naître de nouveaux talents et de nouvelles façons d’écrire un récit ?
Cela peut inciter – ainsi que je l’ai dit- certains lecteurs à prendre un risque à peu de frais. Sans parler du fait que les livres sur papier prennent de la place….
Mais je ne vois pas comment cela pourrait changer le rapport à l’écriture. On écrit, sur un clavier, nous sommes nombreux à le faire déjà. Cela rendra peut-être l’illustration des textes plus facile et, bien entendu, moins onéreuse, et facilitera la publication d’œuvres non littéraires, en couleur… (loisirs, pratique, arts ?)
Cela dit, cela permet aussi une plus grande liberté de format. Par exemple, en France, les nouvelles sont peu publiées, les récits atypiques pas très appréciés. Le numérique permet de ne pas se préoccuper du nombre de pages, et de créer selon son propre format.
Est-ce que d’après-vous, les éditeurs ont conscience que la révolution du livre est en marche, et sont-ils prêts à l’affronter ?
Pas sûr…. Si c’était le cas, ils prendraient davantage de risques, en utilisant les deux formes – mais je crois savoir que la part de la littérature est minime dans le monde de l’édition. Peu d’écrivains en France vivent de leur plume, donc j’imagine qu’ils ne font pas vraiment vivre leurs éditeurs facilement. C’est un cercle vicieux !
Est-ce que le développement du livre numérique va faire évoluer les relations entre les auteurs et les éditeurs et faire naître de nouvelles façons de travailler ?
Ce serait bien. Mais je crains que le contact entre éditeurs numériques et auteurs ne se limite à un service rendu : l’auteur écrit, et l’éditeur met son travail en ligne. En tant qu’auteur, j’aimerais un retour éditorial, un avis, des commentaires… Ceci ne s’est pas produit sur le fond, malgré la grande disponibilité de mes interlocuteurs, parce que ce n’est pas prévu.
Que vous inspirent les batailles que se livrent les Sony, Google et bientôt Apple pour numériser le maximum d’ouvrages ?
Je dirais que cela me rappelle la bagarre autour des standards vidéo dans les années soixante-dix ou quatre-vingts… Il me semble qu’il va dans l’intérêt de tous que chacun crée un outil utilisable par tous. Mais je ne sais pas comment se passe la bataille autour des droits sur les ouvrages eux-mêmes.
Sur quel projet éditorial travaillez-vous en ce moment, numérique et/ou traditionnel ?
Pour moi, le support ne fera pas de différence. J’ai un a priori favorable envers l’éditeur qui m’a donné une chance de me faire lire, mais je proposerai peut-être tout de même mon prochain travail à des éditeurs traditionnels, à condition de ne jamais tomber dans le piège de l’édition à compte d’auteur. On a envie d’être publié, et lu, mais pas à n’importe quel prix, et surtout pas pour satisfaire sa vanité.
Propos recueillis par Jean-François Gayrard