La semaine dernière a vécu au rythme de la publication des résultats semestriels des entreprises en général, des banques en particulier. Les chiffres des banques françaises étaient très attendus - les banques américaines, JP Morgan en tête, avait ouvert la marche en juillet. Mayeul vous a annoncé à chaud les performances de la BNP et de la Société Générale.
S'en est immédiatement suivie une polémique sur le quasi-milliard de bonus provisionné par la BNP pour ses traders et son pôle BFI.
Et pourtant, BNPPARIBAS a joué on ne peut plus transparent, semble-t-il. Elle assume complètement cette provision et de plus, elle assure être une des seules banques à jouer selon les règles prônées par le G20.
Que leur reproche-t-on exactement, à BNPPARIBAS et à ses consoeurs (la Société Générale a également publié des resultats positifs, tout en adoptant un profil bas sur les boni et autres primes réservés à ses traiders) ?
La dimension "éthique" voire "morale" n'est jamais loin en France. L'affaire est mesurée à l'aune des valeurs républicaine - en l'occurence la "fraternité" - et l'on s'offusque que de telles sommes soient versées à des personnes perçues comme responsables de la crise actuelle.
On reproche donc aux banques de persister dans une pratique qui est à l'origine, ou tout du moins, d'avoir accentué les effets de la crise financière mondiale. On reproche aux établissements financiers d'encourager une pratique de la crise de risque inconsidérée, ou bien de garantir des primes et boni minimum à leurs traders pour s'assurer qu'ils ne partent pas chez le concurrent.
Il y a également une autre accusation, moins spécifiquement liée à cet attachement pour la fraternité, la solidarité, et davantage à la responsabilité : comment accepter que la société via l'Etat vienne à rescousse de la BNP à hauteur de 5 milliards, alors qu'un peu moins d'un milliard sera versé à sas BFI ? Il est vrai que l'attitude quelque peu orgueilleuse de la banque - elle n'envisage pas de rembourser l'Etat avant 2010 alors que ses homologues américaines sont en passe de le faire chez elles - puisse renforcer rancoeurs, incompréhension, voire condamnation.
Il me semble que condamner par principe BNPPARIBAS me semble contre-productif pour un certain nombre de raison, mais je n'en prendrai qu'une, déjà invoquée par les banques depuis un an, réitérée par elles en ce moment, et que même certains journalistes comprennent : les banques versent de telles sommes pour leurs traders pour éviter qu'ils ne passent à la concurrence. Car quoi que l'on en dise, on ne peut faire abstraction de la dimension BFI dans les performances de la BNP.
On peut s'offusquer que de telles pratiques se poursuivent dans la finance internationale : il n'empêche qu'elles existent toujours, que le G20 refuse de prendre des dispositions contraignantes, que la Chine embauche largement les anciens traders de Goldman Sachs et ceux qui ont été licenciés depuis un an pour développer son secteur financier.
Compte tenu de ces éléments, on ne peut exiger des banques françaises de revoir leur mode de rémunération unilatéralement : cela reviendrait à se tirer une balle dans le pied. Et comme il est vraisemblable que les acteurs internationaux - banques, autorités de régulation, agences de notations... - refuseront dans les courts et moyens termes de se pencher sur la question...
Par contre, je pense qu'il existe un autre moyen de traiter de ce dossier de manière plus constructive que de démolir des champions nationaux et désormais européens. Il s'agit pour eux de se réapproprier la notion de stratégie. C'est à dire :
1) accorder davantage d'importance aux moyen et long termes qu'au court, voire très court, terme.
2) inscrire son entreprise - ici le secteur financier, et pas uniquement les banques - dans un "projet" porteur de sens pour tous. J'en ai un sous la main : la Maison France - voire l'Europe.
3) se donner les moyens pour parvenir à cette fin : assumer et assurer son métiers de banquier, de financeur de l'économie - c'est évident - mais également d'agent de développement des territoires.
J'ai déjà traité dans mes posts précédents de la position spécifique de la banque dans l'économie : elle est à la croisée des mondes privé et publics ; des administrations, des entreprises, des particuliers, des organismes de recherches... Bref les établissements financiers (dont les compagnies d'assurance ne jouent pas le moindre rôle) sont au coeur de l'information.
La crise peut être une excellente opportunité de revoir le fond des choses en France. Que les banques sortent de cette attitude qui consiste à se draper dans leur dignité à chaque rappel à l'ordre de l'Etat, ou bien à s'enfermer dans leur tour de chiffres. Je leur propose de redonner du sens à ces chiffres et ses sommes colossales. L'Etat et la société comprendront enfin leur raison d'être.
Et n'oubliez pas de rembourser l'Etat et la société - vos créanciers - comme Morgan Stanley s'apprête à le faire.
Matthieu