L'affiche d'une fin de Francos
Costaude, l'affiche des Francos au Métropolis hier soir: la recrue parisienne Ludo Pin, l'auteure, compositrice et interprète Marie-Pierre Arthur, et Karkwa, groupe consacré qui, après avoir joué les pèlerins sur les routes rock d'Europe, s'offrait un retour glorieux sur les planches montréalaises.
Croisés plus tôt cette semaine, Louis-Jean Cormier et Stéphane Bergeron (respectivement chanteur/guitariste et batteur) avaient la mine rayonnante en dépit d'une carence de sommeil qu'ils ne cachaient même pas. Ils ont eu l'horaire de fous, ces derniers jours, fait d'aller-retour en Europe, d'engagements aux Festival d'été de Québec et aux Francos, sans compter les répétitions (pour Cormier) en vue du spectacle Douze Hommes rapaillés de ce soir, à la Place des Arts. Vivement les vacances.
Ils y étaient presque hier soir au Métropolis. La performance, généreuse, qu'ils ont livrée était soufflante et essoufflée. Le concert de cinq musiciens qui relâchent la soupape, qui évacuent le stress et la pression. Pas un concert défoulatoire comme on a déjà vu Karkwa en donner, plutôt un concert détendu qui, plus que d'habitude (si c'est encore possible), s'élevait vers la transe.
Au bout d'une heure, les gars n'avaient pas joué dix chansons. La majorité d'entre elles prenaient six ou sept minutes à se déployer jusqu'à nos tympans imbibés de guitares, de percussions, de claviers, de la voix bercée par les vagues d'effets et d'écho de Cormier.
On a vu Karkwa maintes fois, dans toutes sortes de conditions. L'étonnement est sans cesse renouvelé: les gars offrent un concert différent à chaque fois. Celui d'hier était bon, gagnant en raffinement, en langueur dans les grooves, ce qu'il perdait en énergie. C'est une fin de Francos pour tout le monde, nous étions dans le même état d'esprit qu'eux, béats et repus de musique depuis le début de l'été, encore stimulés par ces arrangements évolutifs - quelle belle et intense relecture de M'empêcher de sortir, qu'on estime parmi les meilleures compositions du groupe!
Pendant presque deux heures, le groupe a lentement, parcimonieusement, éparpillé ses meilleures chansons devant nous, en vrac, Le Coup d'état, Deux Lampadaires, Échapper au sort, Oublie pas vers la fin, chantée en duo avec Marie-Pierre Arthur qui avait encore des étoiles dans les yeux d'avoir fait son « premier Métropolis », ainsi qu'elle nous l'avait signifié au début de sa performance.
Marie-Pierre Arthur avait donc emboîté le pas à Ludo Pin (zut, on l'a manqué, pensant que ce bal indie pop rock débutait à 21h...) pour réchauffer le Métropolis, offrant sept ou huit de ces excellentes chansons pop-rock qu'on a remarqué sur son premier album.
C'était bon, mais encore vert. La scène est une bête qu'il faut apprivoiser, Arthur en sait quelque chose, ayant accompagné nombre de musiciens d'ici avant de se jeter dans l'arène en solo. Des tireurs d'élite l'accompagnaient, dont les guitaristes Joseph Marchand et Olivier Langevin. Pourtant, l'ensemble manquait de cohésion, tout le monde s'observant jouer en faisant attention de ne pas se brusquer.
Les compos d'Arthur ont cette faculté d'être à la fois directes et efficaces, sur le plan mélodique, et fertiles, du point de vue harmonique. Il y a lieu de se lâcher lousse sur la fin de ces morceaux, comme l'orchestre l'a d'ailleurs si intensément fait pendant Qui sait?, chansons de Daniel Lavoie.
Le temps fera son oeuvre, ce sera un concert à revoir dans quelques mois, bonifié, pour sûr. Et Marie-Pierre Arthur, elle, possède véritablement la stature d'une grande performeuse, intense et totalement habitée, pourvue d'une voix qui déplacerait des montagnes.