Aujourd'hui, je tenais juste à réagir brièvement à une information qui fait beaucoup de bruit Outre-Rhin : un ouvrier a été licencié, le 5 juin, pour avoir rechargé
la batterie de son téléphone portable et avoir pris des photos sur son lieu de travail. Son employeur, une fabrique d'emballages d'Oberhausen, dans la Ruhr, l'accusait d'avoir volé de
l'électricité, soit un coût pour l'entreprise de 0,014 centime d'euro par chargement, a calculé un ingénieur... Heureusement que les médias se sont emparés de l'affaire puisque grâce à cela,
mercredi 5 août, l'employeur de l'ouvrier est revenu sur le licenciement alors que la justice avait prévu de juger l'affaire en octobre.
En lisant les quotidiens allemands (et oui, je suis frontalier...), on découvre que la plupart des juges donnent raison aux employeurs en se référant au jugement "Bienenstich" de
1984. Pour résumer, ce jugement concerné une vendeuse qui avait été licenciée après avoir mangé une pâtisserie nommée Bienenstich. Les juges la Cour fédérale avaient considéré qu'un
simple vol, même minime, suffit pour congédier un salarié. Pourtant, les juristes allemands rappellent à l'envi que, la législation restant suffisamment vague sur cet aspect, les cours de
justice auraient toute latitude pour statuer autrement...
Si j'admets volontiers que le vol est répréhensible et doit être sanctionné au sein d'une entreprise, je pense néanmoins que les sanctions doivent être appropriées. Manger une seule fois une
pâtisserie doit-il vraiment être passible d'un licenciement pour faute lourde immédiatement ? De même, si recharger son téléphone portable est un vol d'électricité, alors je risque fort de me
voir appliquer la même peine (comme bon nombre de mes collègues d'ailleurs...) : durant mes cours, j'utilise mon ordinateur portable pour projeter mes cours au format Powerpoint et je
le branche sur le secteur. Je consomme donc de l'électricité à mon employeur... qui, je vous rassure, semble ne pas en prendre ombrage !
Je crois qu'il y a en ce moment un profond malaise au sein des entreprises qui risque de déboucher sur une fracture encore plus importante entre salariés et employeurs. En effet, d'un côté on
punit très sévèrement des employés expérimentés (l'ouvrier en question avait 14 ans d'ancienneté dans l'entreprise...) pour des faits sans grande gravité, tandis que de l'autre on tolère couvre des écarts de conduite manifestement répréhensibles (différence de rémunération entre hommes et femmes, délit d'initié, bonus garantis,...).
Certains oublieraient-ils que la cohésion au sein d'une entreprise est une condition sine qua non de la pérennité de cette dernière ? Les salariés ne doivent dès lors pas être
vus comme une variable d'ajustement, mais bien comme une richesse comme le disait fort à propos Jean Bodin : "il n'est de richesses que d'hommes"...
Ce n'est donc pas tant un problème de justice judiciaire qui se pose, mais bien de justice social et plus précisément d'éthique !