La plage de Trouville
- Ce dimanche 9 août 2009 - l'humeur de la semaine -
Nous voilà au coeur de l'été ; déjà les jours baissent, déjà se profile la rentrée, alors que les Français tentent pour quelques jours, voire quelques semaines encore, d'oublier les soucis de leur vie professionnelle et citoyenne et prennent plaisir à renouer, autant que faire se peut, avec un rythme plus en accord avec celui de la nature. Pour les uns, ce sera la transhumance vers les alpages, sa flore colorée et le tintement de ses sonnailles ; pour d'autres le retour au village natale ; pour la plupart la découverte d'horizons inconnus et la plongée dans l'aventure touristique. Mais les vacanciers de 2009 sont-ils semblables à ceux que je croisais petite fille au bord d'une plage bretonne ou normande ? C'est la question que je me posais l'autre jour, à la suite d'un bain délicieux, en regardant autour de moi cette plage de Trouville soudain animée, où, jadis, jouaient mes propres enfants.
Les bruits sont les mêmes : les rires des petits, les bavardages des grands. A cela près que l'on surprend quelques sonneries de portables. Oui la grande différence avec les années 70/80 est là : l'électronique a fait irruption jusque sur le sable. Il n'est pas rare de voir un adulte s'éloigner du cercle de ses amis pour passer ses ordres de bourse ou pianoter sur son ordinateur de poche. Pour le reste, les femmes ont toujours autant de goût pour le bronzage et les enfants pour les châteaux forts, les digues, les barrages, les pâtés et la pêche aux coques. Cela est rassurant : sur la plage on aime à se retrouver entre soi. Les familles s'assemblent autour des plus jeunes, on cause, on élabore les projets du lendemain, on envisage ceux du soir. Puis les pères se chargent d'initier à la baignade les plus petits et à 16h, les Mamy n'ont oublié ni les viennoiseries, ni les sirops de fruits, ni les friandises. Maman barbouille l'aîné de crème solaire avant de s'en enduire à son tour : les recommandations des dermatologues ne seront pas restées totalement lettres mortes. Quant à la baignade elle-même, rien n'a vraiment changé : ce sont toujours les moins de 15 ans et les plus de 50 qui se montrent vaillants et audacieux au moment d'affronter la fraîcheur des vagues. Imperturbables, les aînés font leurs longueurs avec la régularité d'un métronome et prennent un secret plaisir à se jauger les uns, les autres sur leur capacité d'endurance. Alors même que les trentenaires, bronzés sur tranche, se plongent dans la lecture de leur quotidien et soupirent d'aise sur leur chaise-longue. Mais n'importe, la plage avec ses parasols, ses cris joyeux, ses ronds familiaux, son parfum sirupeux de crème solaire, ses seaux, ses pelles et ses cerfs-volants, ses voiles au large, ses horizons ouatés, ses maisons ouvertes sur leurs jardins ont, dans leur configuration, un sacré air de ressemblance avec les vacances d'antan. Quant à la mode, celle des maillots, seul vêtement arboré dans ce décor, a-t-elle vraiment innové ? Si peu ! Davantage de une pièce peut-être ? Moins de seins nus sûrement. Et la casquette a remplacé le chapeau de paille de ma jeunesse. C'est à peu près tout sur ce plan-là. Néanmoins, oui, quelque chose a changé et une fausse note jette sa dissonance dans cette aimable partition : à savoir une propension à la surcharge pondérale qui se confirme et s'accentue d'année en année chez les enfants et les jeunes adultes. Comment la femme française, si appréciée pour son élégance et sa silhouette, et le french lover, si vanté de par le monde, accepteraient-ils de céder leur place et d'être définitivement relégués dans l'album des souvenirs ? Je n'y puis croire, mais, attention, qu'après le chewing-gum, le coca, le blue-jean, l'Amérique ne nous ait exporté l'obésité !
La plage de Trouville à la Belle Epoque peinte par Boudin