Ce que j’ai photographié de près, ce sont mes émotions. J’admire les journalistes qui rendent consciencieusement les faits et je bénis de ne pas en être une ! Je peux donc me laisser aller à vous dire que lorsque Nicolas Dickner et Marc Lévy sont arrivés sur la terrasse, ils me semblaient partager la même humeur contrainte : « qu’est-ce que je fais sur cette avant-scène, qu’ai-je tant à dire pour contenter ces regards avides rivés sur moi ? » Leurs yeux visaient plutôt les planches de la terrasse, tandis que dans ceux d’Annick Charlebois se reflétait une fierté assez contrastante. Et puis, progressivement, sous les questions pertinentes de l’animatrice, Nicole Fontaine, les regards ont montés, la parole s’est réchauffée, puis emballée.
Nicolas Dickner m’est apparu plus fermé que je ne l’imaginais, je dis bien « apparu », c’est l'apparence que donne souvent les personnes chez qui foisonne un monde intérieur fort. Non pas qu’il ne soit pas gentil, encore moins hautain, c’est qu’il semble exécrer qu’on veuille l’entrer dans un moule étroit. Il déteste tout ce qui ressemble à un carcan, il a besoin d’espace, je crois. Il a déclaré à un moment donné qu’il n’aimait pas écrire des descriptions, donc il fait de l’anti-description. Il a 37 ans et d’après moi, jusque sur son lit de mort, il ne pensera pas comme la majorité. Il adore l’informatique dans ses détails les plus techniques, rappelez-vous Joyce, cette pirate informatique de Nikolski et il se serait retenu de ne pas trop pousser sur sa bosse de l’informatique, convaincu qu’il aurait perdu des lecteurs. À cette étape, Nikolski était une vraie épopée, du mille feuilles et dans le cadre de (...pardon, je ne me souviens plus du contexte !), il aurait eu à passer à travers le test ultime : raconter son histoire devant des pairs. C’est à ce moment qu’il en aurait réalisé la complexité puisque incapable d'en faire le résumé. C’est à partir de là qu’il a commencé un travail important d'épuration. Il n’a pas réfuté le commentaire de madame Fontaine qui a trouvé que Joyce ressemblait à la Hope de Tarmac. Il aimait beaucoup le personnage de Joyce et lors de l’épuration, elle aurait perdu de la substance et Hope s'en serait appropriée.
Marc Lévy a renchéri qu’un résumé d’histoire devrait être compréhensible pour un enfant de six ans. Quant à lui, le test qu’il fait passer à ses synopsis est celui-ci : il le raconte, par exemple à sa femme dans un Café et il stoppe à un moment donné et demande « Prendrais-tu un café » et si elle réponds oui, au lieu d’exiger la suite ... il doit améliorer ou changer d’histoire !
Pour Annick Cha
En parlant d’incitation, c’est de toute beauté de voir ici les gens chérir leurs romans comme des récompenses. Je jetais un coup d’œil à la dame âgée à mes côtés, elle feuilletait ses livres flambant neufs avec convoitise, en plein milieu de l’entretien !
Mes premières photos sur le web :
Première intitulée "mêmes pensées, même pose ?" - Marc Lévy, Nicolas Dickner
Deuxième : "blanc sur noir" - Nicole Fontaine, Annick Charlebois,