Nicolas Sarkozy se repose. Les seules images du Monarque complaisamment livrées aux magazines people sont des celles d'un président amaigri se baignant sur les plages du Cap Nègre. On croyait que la zone était sous embargo photographique ? Malgré ces envies de vacances "au calme", les pépins de vacances sont légions.
Les faux chantiers de la rentrée
Sarkozy s'attend à une rentrée sociale "chaude". Les chiffres du chômage sont mauvais. Point de reprise conjoncturelle. En Espagne, la saison touristique fait reculer le chômage depuis 3 mois. En France, qui est pourtant la première destination touristique européenne, l'effet saisonnier ne joue pas. Pour preuve, on constate même une forte hausse des ruptures conventionnelles de contrats à durée indéterminée: 9 200 en janvier, 12 900 en mai, et plus de 17 000 en juin. Sur un an, ces "ruptures à l'amiable" de CDI entre salariés et employeurs se sont élevées à plus de 111 000.
A la rentrée, Nicolas Sarkozy occupera le terrain médiatique avec d'autres "réformes", de belles diversions médiatico-politiques: sa loi Loppsi II ("loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure") complètera l'arsenal répressif en place avec des dispositifs de cyber-surveillance dignes de Big Brother, avec la création d'une nouvelle plate-forme de lutte contre tout type de cybercriminalité , la création d'un délit d'"usurpation d'identité sur Internet"; l'obligation faite aux FAI de bloquer l'accès aux sites interdits par les autorités, notamment pédophiles; la mise en oeuvre d'outils de géolocalisation des internautes et l'autorisation de la mise en place de logiciels mouchards sans garantie de légalité... Pour séduire les foules, le Monarque fera plancher les parlementaires sur deux autres sujets symboliques : une loi sur les moyens dédiés à satisfaire les engagements écologiques du Grenelle de l'Envirronnement, et un rapport, encore une fois rédigé avec la collaboration de Michel Rocard, sur le "Grand Emprunt". La sénateur-maire Verte de Montreuil, Dominique Voynet, a refusé l'invitation à participer à ces travaux.
Nicolas Sarkozy pense surtout à sa réélection. La rentrée sera active. En ligne de mire, les élections régionales. Pour rassembler la droite, il vient de convaincre Philippe de Villiers, l'euro-député souverainiste, de rejoindre l'énigmatique comité de liaison, présidé par Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille, qui regroupe déjà Eric Besson et Jean-Marie Bockel. D'autres débauchages sont en vue, comme la nomination au gouvernement, fin août, du radical de gauche corse Paul Giaccobi (quelle prise !). Pour séduire les écologistes et les centristes, l'agenda sera chargé à souhait de déclarations "vertes" tous azimuts : loi Grenelle 2, taxe carbone, sommet de Copenhague... Le redécoupage électoral concocté par Alain Marleix, ancien collaborateur de Charles Pasqua, est prêt. Il a soigneusement "divisé pour régner". Les circonscriptions du Parti Communiste et du Parti Radical de Gauche sont épargnées. A Paris, les deux députés écologistes Martine Billard et Yves Cochet sont sacrifiés au profit des députés socialistes et UMPistes.
Au Cap Nègre, Nicolas se baigne.
Bruno Le Maire, nouveau Darcos ?
C'est un villepiniste qui a fait la une de l'actualité cette semaine. Bruno Le Maire, ancien fidèle et directeur de cabinet de l'ancien premier ministre, devenu en quelques mois secrétaire d'Etat aux Affaires européennes puis ministre de l'Agriculture, a choqué son monde. Une métamorphose sarkozyenne réussie. Lundi, le jeune ministre a lâché qu'il allait commencer à réclamer aux producteurs de fruits et légumes quelques 500 millions d'euros de subventions indûment versées entre 1992 et 2002: "Il est certain que nous devons engager une procédure de remboursements auprès des producteurs". Bruxelles les réclame depuis 7 ans, et un décret de janvier dernier ne laisserait plus aucun choix. Depuis le 29 juillet, la France devrait payer plusieurs millions d'euros d'astreinte...
Aucun choix, vraiment ? La communauté européenne juge illégales ces subventions qui ne devaient être que temporaires. Pourquoi donc les agriculteurs, et non l'Etat français, en seraient-ils jugés responsables ? Il y a d'ailleurs fort à parier que la facture sera in fine payée par le contribuable. Bruno Le Maire avait un autre objectif: frapper les esprits. L'agriculture française devait sentir passer le boulet. Cette bombe médiatique lancée, le ministre a modéré ses propos: tout ne sera pas remboursé, pas immédiatement; une partie des sommes reste contestée, et un plan de soutien sera mis en place. Jeudi, un «premier plan immédiat» d'aides aux producteurs de fruits et légumes de 15 millions d'euros était confirmé à la FNSEA. Un représentant des producteurs du Sud-Ouest se plaint: «Le ministère ne nous a pas laissé beaucoup d'espoir». Le ministre a bien joué. Les syndicats agricoles sont tout ouïe. «Je vais être très précis: j'ai fait tout cela en plein accord avec Matignon et l'Elysée" a-t-il déclaré mercredi. On n'en doute pas. Xavier Darcos, du temps où il était à l'Education Nationale, a largement usé et abusé de cette méthode: anticiper les mauvaises nouvelles. Il n'a gagné que mépris et blocage sectoriel. Mais Darcos ne pensait pas rester à son ministère. Bruno Le Maire prépare-t-il déjà sa sortie dans un an ? Dans l'immédiat, il a dû annulé ses vacances familiales dans le Gers.
Hasard du calendrier, on apprenait que BNP-Paribas avait provisionné (et non pas versé) un milliards d'euros pour les bonus de ses traders en 2009. La crise est loin. La banque a aussi annoncé, en présentant ses résultats semestriels, qu'elle rembourserait au plus vite l'emprunt contracté auprès de l'Etat français en octobre dernier. Comme Obama vis-à-vis de Goldman Sachs il y a quelques jours, Sarkozy est impuissant. Il est loin le temps de la régulation financière. Vendredi, l'Elysée a fait savoir que le Monarque avait convoqué des représentants bancaires le 26 août pour s'expliquer sur ces fâcheux symboles et "vérifier le respect par les banques françaises des règles adoptées par le G20 de Londres, notamment en matière de rémunérations". En novembre dernier, nous nous étonnions déjà de l'absence de contrôle public sur les banques en échange du plan de sauvetage bancaire. Il aurait par exemple suffit d'exiger d'entrer au conseil d'administration des banques. C'est même une exigence légale, comme le souligne un confrère. L'hypocrisie était là. Sarkozy joue le gaucho sur les estrades, mais reste prudemment libéral dans les coulisses. Il préfère soutenir le pantouflage de ses proches, en plein exercice de son mandat.
Au Cap Nègre, Nicolas se baigne.
Sarkozy investit le Web
Cette semaine, le clan présidentiel a également fait part de ses ambitions netosphériques. Les objectifs sont connus : démultiplier la parole présidentielle, conquérir l'électorat jeune, et maîtriser le débat public. Il faut oublier les revers subis les semaines précédentes: l'affaire des sondages manipulés depuis l'Elysée a montré combien le chef de l'Etat attentif au contrôle de l'agenda public. En subventionnant une cascade de sondages, complaisamment relayés par quelques médias dociles, la Présidence de la République a orienté le débat public sur les thèmes qui lui sont chers. Pire, le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel a édicté, il y a quelques semaines, de nouvelles règles effectives à compter de début septembre, en application d'un jugement du Conseil d'Etat de janvier dernier. Contraint et forcé, le temps de parole présidentielle sera désormais décompté, au profit de l'opposition. Enfin, l'UMP est toujours à bout de souffle, incapable de reconquérir des adhérents après l'hémorragie inévitable subie au lendemain de l'élection présidentielle. Il fallait réagir.
Mercredi, le conseiller en communication de l'Elysée faisait donc part de ses projets Internet: le site présidentiel Elysee.fr doit devenir un "une source d'informations pour l'ensemble des Français" et "un média leader, qui produise de l'information". L'Elysée a toutes ses chances, tant le Web a transformé la transmission de l'information. La course au scoop, accélérée par le Web, conduit souvent les médias à relayer tout et n'importe quoi, sans recul ni contre-enquête. On informe d'abord, on réfléchit après. Sur Facebook, Sarkozy fait semblant de se confier, nous livrant ses dernières lectures (Maupassant, Flaubert, Stendhal, Zola), ou ses dernières rencontres "privées" (Woody Allen ou Bill Gates). Mais le Monarque ne cherche pas l'échange, mais le contrôle et la parole. Point de Twitter en perspective, ce réseau social de micro-blogging qui permet, en 140 caractères, de dialoguer sans censure ni contrainte.
Au Cap Nègre, Nicolas se baigne.
Estrosi hyper-actif
Christian Estrosi, le nouveau ministre de l'Industrie, ne s'épargne pas... devant les caméras. On le voit partout, au point d'agacer ses collègues. "S'il va sur le terrain à chaque fois qu'il y a un conflit violent, il va finir par être séquestré avec deux bouteilles de gaz accrochées à la ceinture" aurait déclaré Laurent Wauquiez, le secrétaire d'Etat à l'Emploi... Cette semaine, Christian Estrosi a taclé Sanofi-Aventis, qui menace de fermer 4 usines malgré de confortables profits. Il est allé rendre visite à l'un des sites menacés le 4 août. Il a aussi a promis de sauver 400 emplois aux salariés de New Fabris. Estrosi est cependant resté discret sur le conflit opposant la Région Poitou-Charentes et le gouvernement sur le financement de la future ligne ferroviaire à grande vitesse. Ségolène Royal a dénoncé un "chantage immoral": une ligne contre des financements locaux, quelle démarche curieuse ! Patrick Devedjian, le ministre de la Relance appelle cela "l'effet de levier". Chaque euro engagé par l'Etat dans le cadre du plan de relance de novembre dernier déclenche une dépense supplémentaire dans les comptes des collectivités locales... On comprend mieux comment. Estrosi n'a pas non plus dit grand chose sur l'agression d'un dirigeant de l'entreprise Molex. Les salariés de l'usine ont voté jeudi la reprise du travail. Il s'est félicité de leur "sens des responsabilité". Son collègue Hervé Novelli pourra se réjouir de l'avis du Conseil Constitutionnel sur la loi ralative au travail dominical: les "sages" n'ont censuré, jeudi 6 août, qu'une disposition: la mairie de Paris aura tout loisirs de proposer le classement de sa commune en zone touristique. Pour le reste, les «inégalités de traitement» entre salariés et entre territoires prévues dans ce texte sur l'extension des ouvertures dominicales d'activités n'ont pas été jugées anti-constitutionnelles. Les salariés des "communes touristiques" s'en souviendront quand viendra l'heure de la paye, inchangée en cas de travail dominical.
Pépin Afghan
Même au Cap Nègre, Nicolas Sarkozy n'oublie pas l'Afghanistan. Un 29ème soldat français est mort. Le 11ème en moins d'un an. Neuf soldats de l'Otan ont été tués en deux jours, la semaine dernière, dans des attaques de Talibans dans le sud et l'est de l'Afghanistan. Pendant le seul mois de juillet, quelques 75 soldats de l'Alliance sont morts. Un peu moins de 100 000 militaires ont été déployés là-bas. La position de la France se complique au Moyen Orient. La Sarkofrance est devenue une cible de choix d'Al Qaida. La polémique stérile sur le port de la Burqa n'a rien arrangé. Pour 367 Burqa recensées en France avec précision par nos services de renseignement en France, le numéro deux d'Al Qaida s'est épanché sur le Web contre la France. A l'annonce de ce 29ème décès, la présidence de la République a balancé son communiqué, pompeux et énergique: "Le chef de l’État a une nouvelle fois condamné avec force les pratiques lâches et barbares des ennemis de la paix en Afghanistan et a réaffirmé la détermination de la France à lutter, aux côtés du peuple afghan, contre l’obscurantisme et le terrorisme." On croirait entendre George W. Bush. Au moins, la France a-t-elle son strapontin à l'OTAN. Le 30 juillet dernier, un officier français s'est vu nommé au poste de Commandant suprême allié de la Transformation à Norfolk... quelle promotion !
Au Cap Nègre, Nicolas tente d'oublier ces pépins de vacances. Il se baigne, et soigne sa popularité renaissante de Monarque convalescent.
Ami sarkozyste, où es-tu ?&alt;=rss