LADY CHATTERLEY de PASCALE FERRAN

Publié le 08 août 2009 par Abarguillet

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Je n'avais pas vu la version cinématographique couronnée par le César du Meilleur film en février 2007, ainsi que celui de la meilleure interprétation féminine pour la charmante et lumineuse Marina Hands, aussi ce fut une vraie découverte d'assister, sur Arte, à la projection de la version télévisée plus longue de cette Lady Chatterley et l'homme des bois en deux épisodes de 1h40 chacun.  C'est bien entendu la même histoire, mais plus ample, plus détaillée, plus fidèle aussi au roman que David Herbert Lawrence rédigea en 1927, moins de trois ans avant sa mort.
Par ailleurs, cette version longue nous permet d'entrer davantage dans les méandres de la pensée de Constance Chatterley et d'assister plus intimement à sa métamorphose. Car c'est de cela qu'il s'agit : la lente transformation d'une jeune lady anglaise qui avait  cru bon de renoncer à la vie parce que sa condition sociale l'exigeait et qu'elle n'avait pas encore trouvé l'occasion capable de lui inspirer l'impulsion salvatrice. L'événement déclencheur sera sa rencontre avec le garde-chasse du domaine de son époux.

                        

Je dirai tout d'abord que ce film se singularise par sa  féminité et que c'est l'expression même de celle-ci, dans ses délicatesses et ses nuances subtiles, qui m'a touchée. Si ce n'est pas le chef-d'oeuvre que l'on a proclamé ici et là, ce n'est pas non plus le navet que quelques-uns se sont plus à caricaturer outrageusement. Non, nous assistons là à un long métrage qui prouve, si besoin était, la maîtrise, le sens du rythme, de la direction d'acteurs et de la mise en scène de son auteur. Excessivement soigné, peut-être trop au goût de certains, il se déroule avec une lenteur calculée qui allie la fraîcheur et la solennité, sans une once de vulgarité, et bénéficie de l'interprétation empreinte de charme et de grâce de Marina Hands, qui sait rendre pleinement crédible son apprentissage de l'amour. Fête des sens, il mêle complicité et tendresse, sensualité et passion ; ode à la vie d'une jeune femme frustrée par l'infirmité de son mari, il s'accompagne d'une célébration lyrique des beautés de la nature. L'une des scènes les plus réussies n'est-elle pas celle où les amants nus courent et se poursuivent sous la pluie dans le parc de Wragby ?

                         


Pascale Ferran, fidèle à l'esprit du livre, a fait de son garde-chasse un homme plus tendre que rustre, sinon l'attachement prolongé de la jeune aristocrate aurait pu paraître incompréhensible, bien que cela ait été au départ le souci initial de l'auteur. Ce qui la lie à son amant est, au-delà du plaisir sensuel, celui d'une proximité immédiate dans l'ordre de la sensibilité. Tous deux sont d'autant plus proches qu'ils partagent le goût des choses simples, naturelles, authentiques. S'il y a des naïvetés et si la fin est décevante, les presque trois heures de la version télévisée ne m'ont pas semblé fastidieuses, car il y a dans cette projection une fluidité, une harmonie, une volupté auxquelles il est difficile de résister. La plus grande faiblesse réside dans les concessions accordées par la cinéaste au discours social, abordé de façon simpliste et conventionnelle, comme si Pascale Ferran voulait s'en sortir d'une pirouette et se donner ainsi bonne conscience à propos d'un sujet périlleux. En définitive, le personnage du mari infirme, homme sans corps et sans vie charnelle, campé remarquablement par Hippolyte Girardot m'est apparu davantage comme une victime qui n'a guère que son statut social pour tenter d'exister face à une jeune épouse qu'il aime et qui, irrémédiablement, lui échappe. Les critiques ont passé un peu vite sur le rôle de cet homme figé dans sa douleur plus que dans son arrogance, dans son orgueil blessé plus que dans son mépris. C'est peut-être là que s'exprime le mieux le génie féminin de l'auteur qui parvient à doser avec légèreté et justesse la part toujours fluctuante des sentiments.

                        

Quant au jeu des deux principaux personnages, il mérite d'être souligné. Marina Hands est simplement délicieuse de naturel, de spontanéité, de force et de naïveté touchante face à Jean-Louis Coulloc'h qui parvient très bien par ses silences à nous suggérer ses doutes, ses appréhensions, ses joies. Plus qu'elle, il est conscient de l'abîme qui les sépare et conserve sa dignité malgré la passion qui le submerge. Le film doit beaucoup à ce casting réussi.