Que fait-on un beau jour d’été, en ville, sous un ciel gris quand l’envie de se plonger dans un nouveau roman vous a quittée ? On court aux valeurs sûres se ressourcer !C’est ainsi que j’ai ressorti un livre acheté il y a quelques mois, dès sa sortie, mais que je n’avais fait que feuilleter jusqu’ici car ou trop pressée ou pas envie de retourner aux grands classiques, bref ou toujours trop ou pas assez !
Aujourd’hui, j’estime que c’est le jour idéal pour comparer texte original et traduction.de Montaigne. La préface de Michel Onfray est admirable tout comme la présentation du traducteur lui-même,Pascal Hervieu. Ils ont choisi deux des chapitres les plus connus des « Essais », tirés du Livre III « De l’expérience « et « Sur des vers de Virgile ». Mais je vais directement au texte.
La traduction d’abord :
«Je hais les esprits revêches et sombres qui font fi des plaisirs et s’agrippent aux malheurs pour en vivre et s’en repaître. Ils ressemblent à ces mouches incapables de se fixer sur un endroit lisse et plat et qui, pour se reposer, choisissent un endroit raboteux et plein d’aspérités. Ou bien à ces sangsues qui ne cherchent et ne sucent que le mauvais sang.
Du reste, je me suis fixé pour règle d’oser dire tout ce que j’ose entreprendre. Je ne ressens que déplaisir à trouver en moi des pensées impubliables. Même mes pires actions, mes pires dispositions ne me semblent pas dépasser en laideur et en lâcheté le choix de ne pas oser les avouer. Réservés quand ils se confessent, les hommes devraient plutôt l’être quand ils agissent. Dans une certaine mesure, la hardiesse de commettre une faute est compensée et punie par celle de la confesser. »
Le texte d’origine ensuite :
« Je hay un espri hargneux et triste qui glisse pardessus les plaisirs de sa vie et s’empoigne et paist aux malheurs ; comme les mouches, qui ne peuvent tenir contre un corps bien poly et bien lissé, et s’attachent et reposent aux lieux scabreux et raboteux ; et comme les vantouses qui ne hument et n’appetent que le mauvais sang.
Au reste, je me suis ordonné de dire tout ce que j’ose faire, et me desplais des pensées mesmes impubliables. La pire de mes actions et conditions ne me semble pas si laide comme je trouve laid et lâche de ne l’oser avouer. Chacun est discret en la confession, on le devoit être en l’action ; la hardiesse de faillir est aucunement compensée et bridée par la hardiesse de le confesser. » (Orthographe de l’édition Garnier par Maurice Rat respectée)
Je ne relis pas souvent Montaigne, je l’ai quelquefois étudié (trop ou mal ?) ! Ce texte rafraîchi va peut-être me pousser à le fréquenter un peu plus !
Vivre à propos, Montaigne traduit du japonais par Pascal Hervieu Préface de Michel Onfray(Flammarion, mars 2009, 264 pages)