Commençons par celui de Chloé Ste-Marie. Elle m’a étonnée. Déjà fan de ses albums, ces fêtes du poète, de son amour du mot, de son implication sociale, et même des couleurs vives qu’elle ose comme une seconde peau. Cela en fait un être paradoxal, de la douceur et de vulnérabilité mixé avec du flamboiement.
Pourquoi m’a-t-elle étonnée ? Pour le courage de son audace. Se planter debout devant une assistance, avec à ses côtés un seul musicien, et attaquer ce rituel qui durera jusqu’à la fin ; un poème, ensuite une chanson. Pas l’inverse, c’est le poème qui passait en premier, annonçant la chanson. Chloé Ste-Marie place le mot devant la musique, elle place même le mot devant elle ; sa voix, son corps sont des instruments complètement au service du mot.
Sa performance est impressionnante justement parce qu’elle s’oublie, l’art de la parole est beaucoup plus grand qu’elle. Quand elle chante en Innu, toute un peuple s’exprime. On l’entend distinctement. Où va-t-elle chercher ces sons qui trouble l’air, du creux d’elle-même, viscéral, surprenant, et aussitôt, comme la trapéziste qui reprend sa barre de fer, elle revient à un souffle qui pousse le mot. De sa bouche, sort chaque mot avec son entité propre propulsé par l’admiration qu’elle porte aux mots.
Je l’ai un jour entendu dire en entrevue, le respect infini qu’elle porte au mot. J’avais aussi lu une critique de son spectacle, j’en avais surtout retenu de la personne qu'elle était impressionnée, presque dépassée. C’est qu’elle se rend bien loin au-delà de ses albums. La scène lui va à ravir et je ne pensais pas qu’une chanteuse à la voix aussi douce, chantant la poésie, pouvait nous en mettre plein les oreilles et la vue.
Elle a mentionné à deux reprises son bonheur d'être accompagnée par Gilles Carle, l'a remercié du texte de Brûle, Brûle, la dernière chanson qu'il a écrite pendant qu'il en avait encore la capacité.
Je suis sortie comblée, et je ne devais pas être la seule, elle a vendu tous ses coffrets (3 albums) et tous ses albums individuels. Ceux qui n’avaient rien à dédicacer lui refilaient le programme souvenir, la file était donc longue jusqu’à ... minuit !
Je suis partie, mais pas avant de lui avoir remis la lettre que je lui destinais depuis cinq ans, en mains propres. Me voilà aussi soulagée que comblée.