Comme il n’y a aucune solide raison qui justifie votre nomination, il n’en existe pas davantage pour votre éviction. Elle se produit comme l’épluchure d’un fruit qui se gâte progressivement. Malheureusement pour vous, vous êtes une personne douée d’un cœur, d’une conscience, et d’un brin de sensibilité. Et vous trouvez rude le mauvais moment à passer. S’enchainent immédiatement les problèmes matériels de votre nouvelle condition d’ex ! Votre famille s’est habituée à vivre sans vous. Heureusement, elle vous accueille comme l’enfant prodigue. Quant au reste, votre ancienne fonction, votre job, le confort matériel auquel vous vous étiez insidieusement habitué s’envolent ou leur disparition vous apparait soudain au grand jour. Sans compter la séparation brutale et douloureuse d’avec les équipes avec lesquelles vous venez de partager des jours et de nuits de labeurs épuisants.
Inutile d’ajouter que le téléphone et les amis les plus zélés qui ne cessaient de vous trouver des mérites incommensurables brillent par leur assourdissant silence. Il faut des mois pour se remettre d’une telle épreuve. Probablement ne s’en remet-on jamais totalement car la frustration est trop violente pour ne pas laisser des traces profondes en vous. Généralement on vous a forcé à faire en partie ce que vous vous refusiez avant d’imaginer. Et les seuls mérites dont vous pourriez, éventuellement, vous prévaloir sont totalement inconnus de l’opinion. Alors vous restez seul. Seul. Avec votre remord d’avoir un soir, une nuit, accepté d’entrer dans un univers que vous croyiez doré et qui n’était, en fait, qu’une prison ! Plusieurs années après, vous découvrez, mais un peu tard, que ce jour de tristesse était en fait jour de délivrance. Bon courage, Christine, Yves et les autres.