La bataille du livre électronique est lancée, et elle prend des allures de plus en plus industrielles.
Alors que la concentration du secteur de l'édition paraît ne pas se démentir, l'essentiel semble désormais ailleurs. Les fabricants de machines, de logiciels et de services se sont rués dans l'industrie de la culture numérique, cherchant à y prendre une place de choix. Si possible, avec monopole à tous les étages, formats propriétaires, goulets d'étranglements incontournables avec péages et octrois, police de la pensée, création artificielle de rareté, vente donnant droit à des usages restrictifs et provisoires, privatisation du patrimoine culturel de l'humanité. Le livre n'est qu'un secteur de la grande bataille engagée, à laquelle il pensait pouvoir échapper. Désormais, le terrain de jeu touche l'ensemble de la culture, et même un peu au-delà.
Le monopolivre n'est pas une fatalité. Nombreux sont ceux qui cherchent à penser un nouveau monde, dans lequel circulerait harmonieusement la culture tout en permettant aux créateurs de vivre. C'est tout l'enjeu de la contribution créative et des règles qui la réguleront. La captation de cette nouvelle manne attise l'appétit de puissants lobbys, ceux-là même qui la refusent aujourd'hui. Mais la licence globale, même intelligemment mise au point, ne suffira sans doute pas. Il faudrait également que les détenteurs de la tradition du livre renoncent à la triple tentation du repli tétanisé, de la naïveté historique et de l'inertie épuisée, dans un monde où les entreprises pharaoniques visant à investir des places fortes se lancent à la vitesse du galop d'un cheval…
Pendant ce temps, le législateur criminalise des millions de français téléchargeurs et focalise l'attention sur une vraie-fausse répression des auditeurs et des lecteurs. Ce faisant, il rallie à sa cause une partie significative des artistes dits de gauche, avec Juliette Gréco, Maxime Le Forestier, Pierre Arditi et Michel Piccoli à leur tête. Lorsque le barrage rompt, arrêter le déluge à mains nues relève de la démagogie ou d'une totale incompréhension des mouvements tectoniques en cours. Détourner à ce point l'attention des citoyens revient à défendre les moines copistes face à Gutenberg, ce criminel, en oubliant que l'imprimerie n'a pas seulement permis une fabuleuse progression de la culture, de la pensée et de la vie en société… elle a aussi créé de la richesse et des emplois ! Et si nous accompagnions le changement, pour forger le futur de la culture, pour inventer l'avenir de la lecture et gagner ensemble la bataille de l'intelligence ?
L'actualité récente sur le sujet
http://www.actualitte.com/actualite/12555-Apple-censurer-dictionnaire-anglais-AppStore.htm
http://www.actualitte.com/actualite/10610-Apple-Eucalyptus-interdire-Kama-Sutra.htm
http://www.macplus.net/itrafik/depeche-48319-les-ebook-non-grata-sur-l-appstore
http://lafeuille.homo-numericus.net/2009/08/kindle-ce-que-vous-possedez-ne-vous-appartient-pas.html
http://www.laquadrature.net/fr/mefiez-vous-des-contrefacons
Is it a bird ? Is it a plane ? No. It's a monopolistic library-bookseller.
Références
Le portrait du pirate en conservateur en bibliothèque
"Le livre à l'heure du numérique : objet fétiche, objet de résistance", in Les Cahiers de la librairie, Qu'est-ce qu'un livre aujourd'hui ? Pages, marges, écrans, Paris, Syndicat de la librairie française, Editions de la Découverte, n°7, 2009.
La contribution créative : le nécessaire, le comment et ce qu'il faut faire d'autre
La bibliothèque universelle, de Voltaire à Google
Concurrence sur le marché du livre, traduction Virginie Clayssen
Amazon Ups the Ante on Platform Lock-In
Données et métadonnées : transfert de valeur au cœur de la stratégie des média
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