Voilà que les traders refont surface, avec des rémunérations colossales. Et les médias de nous expliquer gravement que l’on n’y peut rien, que c’est prévu dans leur contrat de travail. Je ne sais pas avec exactitude ce qu’il en est, n’ayant jamais eu en mains un tel contrat. Mais mon expérience personnelle, dans une multinationale américaine qui pratiquait aussi une rémunération au mérite, me permet d’avoir quelques idées approximatives sur les clauses en question.
Elles spécifient vraisemblablement le mode de calcul des primes et le seuil de déclenchement des bonus en fonction de la performance de l’intéressé (le bien-nommé !). Celle-ci est appréciée en comparant ses réalisations par rapport à ses objectifs. Son intéressement dépend bien sûr de son contrat de travail mais surtout de ses objectifs qui sont fixés chaque année. Rien ne pouvait donc être modifié pour l’année 2008 mais une certaine fermeté aurait pu apporter plus de mesure dans les parts variables des salaires pour 2009.
Dans cette perspective, reportons-nous au 17 juin 1941, où le Maréchal Pétain célébrait le premier anniversaire de l’armistice par un discours. Il y déclarait : « Français, vous avez vraiment la mémoire courte ». Rien n’a changé, heureusement pour un certain Nicolas Sarkozy. Il n’y a pourtant pas si longtemps, le 25 septembre 2008, cette terreur des banquiers s’exprimait ainsi à Toulon : « Je n'hésite d'ailleurs à dire que les modes de rémunération des dirigeants et des opérateurs doivent être encadrés. Il y a eu trop d'abus, il y a eu trop de scandales. Alors ou bien les professionnels se mettent d'accord sur des pratiques acceptables ou bien le gouvernement de la République réglera le problème par la loi avant la fin de l'année ». Les abus, les scandales sont toujours là mais la loi promise a été oubliée. Il y avait tellement mieux à faire pour combattre la crise, comme par exemple faire travailler les salariés le dimanche.
Un autre élément explique cette persistance dans l’erreur. Pour être motivant, un objectif doit apparaître comme possible. Etant donné la tourmente qui a balayé la sphère financière, les objectifs assignés aux traders en 2009 ont dû être sensiblement inférieurs à ceux de 2008. Le présent sursaut constaté dans les bourses mondiales a pu conduire certains à largement dépasser leurs objectifs et si les dirigeants n’ont pas pris la précaution de plafonner les bonus, les primes indécentes refleuriront.