Rouergue, coll. doAdo, 2009 - 250 pages - 11,50€
C'est l'histoire d'une attente, d'un vide et d'une absence de six mois. Le 17 novembre, en pleine nuit, Philippe quitte la maison. Dès le début du roman, on apprend que le garçon a été retrouvé par les gendarmes. Toute la famille attend alors son retour, fébrilement. Mais tandis que sa mère est visiblement soulagée et impatiente, Lia, la jeune soeur de quatorze ans, verse quelques larmes de frustration et de rage. Car elle en veut terriblement à son frère, elle veut comprendre la raison de son départ, son égoïsme, son manque de sensibilité, son indifférence envers ses proches, longtemps plongés dans l'angoisse de l'ignorance. Par sa faute.
L'histoire raconte donc les trois étapes de cette fugue, au moment où est annoncé le retour prochain de Philippe, puis ce qu'il s'est passé six mois auparavant, et enfin l'arrivée de l'adolescent, totalement métamorphosé, abrupt dans ses explications, maladroit et inconscient du mal qu'il fait. "Je n'avais pas envie de revenir", murmure-t-il pour simple information. Evidemment, l'indignation de Lia éclate au grand jour. Elle n'en veut pas de ce frère qui n'est plus le sien. Qu'il aille au diable avec ses théories sur leur monde formaté, rivé à la consommation et au capitalisme. Elle s'en moque, elle veut simplement renouer avec le frère disparu.
C'est une histoire tendre et violente à la fois, une histoire qui ne parle pas seulement d'une fugue mais de son effet dévastateur sur l'entourage. On sent une famille désunie et brisée à jamais, malgré la surface lisse, irréprochable, le cadre de vie confortable, la liberté au coeur même de l'éducation et du couple. Jamais de laisse, jamais de contraintes. Le système a failli, aujourd'hui tous peinent à se regarder dans le blanc des yeux pour accepter la vérité, et non plus à accuser l'autre d'une faute qui n'appartient à personne.
L'histoire développe aussi une finesse d'esprit très appréciable, cerne toute la perplexité du malaise adolescent et pousse ainsi les personnages à déraper puis à se remettre doucement, mais péniblement, sur les rails. L'histoire est racontée du point de vue de Lia, qui porte un oeil blasé sur les siens, en plus d'un goût amer dans la bouche. C'est un très bon roman, sensible et pudique, âpre et farouche. J'ai beaucoup aimé ce livre, dont le style et la justesse ont su personnellement me toucher.
le blog de l'auteur : http://isacollombat.canalblog.com/