Sur le Web, Sarkozy ne cherche pas le débat mais le contrôle

Publié le 06 août 2009 par Juan

Nicolas Sarkozy semble vouloir déployer les énergies de l'UMP sur le Web. Le chef de l'Etat ne connaît pas grand chose au Web, mais ses équipes se mobilisent. Il aurait décidé de "passer à la vitesse supérieure", explique Franck Louvrier, le conseiller en communication du Monarque. Ce dernier s'est confié aux Echos cette semaine. L'enjeu est simple: comment démultiplier la parole présidentielle.
Contrôler le débat
L'UMP est à bout de souffle. Le parti présidentiel ne communique plus le nombre de ses adhérents. En moins de 18 mois depuis l'élection présidentielle, l'UMP avait perdu plus de 100 000 adhérents, à en croire le comptage officieusement communiqué à l'occasion de l'intronisation de Xavier Bertrand au secrétariat général du Parti. Ce dernier lancera un réseau social propre à l'UMP mais ouvert à tous, baptisé « Les Créateurs du possible ». La formule retenue a été présenté par un publicitaire cinquantenaire le 21 juillet dernier. Une tentative de contrôle des débats supplémentaire, et de faire oublier la polémique sur les sondages manipulés par l'Elysée. Cette affaire a montré combien l'Elysée était attentif au contrôle de l'agenda public. En subventionnant une cascade de sondages, complaisamment relayés par quelques médias dociles, la Présidence de la République a orienté le débat public sur les thèmes qui lui sont chers. Voilà pour les médias traditionnels. Reste le Web, où la communication présidentielle sert davantage de sujet de dérisions et de polémiques qu'autre chose.
Premier objectif, diffuser la propagande gouvernementale. Franck Louvrier affiche même des ambitions de "media global": « Nous voulons qu'elysee.fr soit une source d'informations pour l'ensemble des Français, et nous voulons aussi en faire un média leader, qui produise de l'information ». Il a ses chances. Le web affole les rédactions. Leurs web-journalistes guettent le scoop, l'info du moment, le buzz potentiel. Ils sont otages de l'hyper-réactivité online. Le Web devient une formidable caisse de résonnance. Sur le Web, la nouvelle pravda de la Sarko-monarchie dispose de relais attentifs car dépendants.
Mais ce n'est pas tout. Second objectif, les jeunes ne sont pas là. Le socle électoral de Nicolas Sarkozy, conforté par les derniers scrutins européens, est essentiellement âgé. Investir le Web vise à séduire les jeunes. Il n'est pas sûr qu'ils se laisseront séduire. Il y a 2 ans déjà, le site de l'Elysée avait été refondu sur le modèle du site de campagne Sarkozy.fr. Large place aux videos et aux photos, cascade de communiqués de presse, design modernisé, Elysee.fr est devenu un exemple à suivre de web-TV pour ses ministres et ses proches. Depuis, Eric Besson, Rachida Dati (quand elle était ministre), Luc Chatel, Frédéric Lefebvre, et Laurent Wauquiez se sont lancés dans l'aventure.
Troisième objectif, récupérer du temps de parole perdu. Sur le Web, point de contrôle du temps de parole. Sarkozy n'a pas le choix. A compter du 1er septembre, sa parole radio-télévisée sera décomptée. Chaque minute sarkozyenne donnera davantage de temps de réponse à l'opposition. Le clan présidentiel s'est fait débordé par la justice. Le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel a édicté, il y a quelques semaines, ces nouvelles règles, en application d'un jugement du Conseil d'Etat de janvier dernier.
Eviter les échanges
Nicolas Sarkozy a également investi Facebook. Sa page personnelle lui permet de confier au grand public ses dernières lectures, publier ses communiqués officiels, livrer des informations "exclusives", comme quelques photos de sa rencontre avec Woody Allen ou avec Bill et Melinda Gates, ou des nouvelles de sa santé après son accident cardiaque du 26 juillet dernier. Il compte 141 000 "fans", sans distinction de couleur politique: votre serviteur en fait partie. Cela permet de poster des critiques (sans réponse) sur le "mur" Facebook réservé aux "fans". Ce mur est d'ailleurs squatté par toutes sortes de plaisantins, d'ultra-fans ("Membre de l'UMP grace à votre sens de la politique et votre implication dans le besoin des français; Vous gouvernez un pays difficile à gerer et c'est un challenge à la mesure de votre volonté."), ou d'internautes avides de publicité. En ce début d'août, on y trouve même une pub pour un site de vente sur Internet.
Mais sur le Web, Nicolas Sarkozy ne cherche pas l'échange. Là est le malentendu. Ainsi, Nicolas Sarkozy ne sera-t-il pas sur Twitter, ce réseau de micro-blogging qui a conquis la blogosphère. Certains de ses proches, ministres ou pas, ont déjà "plongé". Pour le chef de l'Etat, Twitter n'est pas d'actualité. Louvrier explique qu'il n'aurait pas le temps: « Il faut être crédible, tout le monde sait qu'il n'aurait pas le temps lui-même de fournir de la vidéo ». On a peine à gober l'argument. Nicolas Sarkozy s'affiche en permanence un portable à la main, en train de téléphoner ou d'envoyer quelques textos. Un "tweet" n'a que 140 caractères, faudrait-il le rappeler. Sur Twitter, le problème est ailleurs : l'échange est obligatoire, consubstantiel au réseau.
Sarko a-t-il peur de Twitter ? Ou de l'échange ?&alt;=rss