Criticus, un « cénacle de jésuites impérialistes »

Publié le 05 août 2009 par Roman Bernard
Disqus ne notifiant que depuis très récemment les commentaires par courriel, peut-être les commentateurs de la tribune libre de « Loïck », parue il y a un peu plus d'un mois sur Criticus (« Le suicide programmé de l'Occident ») n'ont pas été notifiés du dernier commentaire, celui d'un certain Michel. Comme l'affichage en arborescence empêche de continuer la discussion là-bas, je reproduis ci-dessous son commentaire, et ma réponse :
Pardonnez le petit pêle-mêle de réponses à vos commentaires, mais comme vous voulez débattre...
Vous me faites un peu l'impression d'un cénacle de jésuites impérialistes, capables de trucider un chat pour vérifier la supériorité de la race humaine.
Au nom de quoi pensez-vous que l'Occident doive emmener la marche du monde ? D'un Dieu qui est d'ailleurs oriental ? D'une pensée qui est tout sauf une hors du lourd, bête et reptilien monolithe libéral aux trois facettes ? La Turquie peut bien venir en Europe, la Turquie c'est Byzance, lieu essentiel de conservation de la pensée gréco-latine, lieu d'échanges aussi avec le monde musulman aussi (lisez le grand A. Ducellier qui n'a jamis mis 15 sur 20 à une copie sans dates ni faits...) ? Pourquoi défendre un pays, type même de l'élément identitaire que l'on choisit pas ? Je n'ai pas pour habitude de respecter ce que je n'ai pas contribué à déterminer.
On peut choisir de se défaire de ses gangues, je ne me considère pas comme européen ou français. Je ne défendrai pas mon pays en cas de guerre mais je sais défendre mes idées par tous les moyens, je ne suis pas un couard. De même, les voyous basanés qui sucent la blanche moëlle de votre douce France ne sont-ils pas des larves, puisqu'ils savent défendre un territoire les armes à la main, vous non.
Vous vous voulez continuer d'asservir le monde pour continuer à traîner vos boulets et la soumission qui vous sert de vertu cardinale. Moi je ne suis pas sûr que vos chaînes vous rendent libres.
Je précise que je suis blanc, athée (baptisé par tradition familiale), assez nettement bakouniniste, abstentionniste militant, et qu'un cadre de parti politique, un imam, un prêtre et un social-démocrate m'inspirent un dégoût équivalent.


Voici, donc, ma réponse :

« Pardonnez le petit pêle-mêle de réponses à vos commentaires, mais comme vous voulez débattre... »
Oui Michel, nous voulons débattre sur Criticus. Vous pouvez d'ailleurs retrouver ici-même un fil de plusieurs centaines (!) de commentaires avec Philippe Arnaud, un marxiste orthodoxe... Mais peut-être connaissez-vous déjà ce Monsieur...
« Vous me faites un peu l'impression d'un cénacle de jésuites impérialistes »
Je sais que ce n'était pas votre intention, mais sachez que je le prends comme un compliment.
« Au nom de quoi pensez-vous que l'Occident doive emmener la marche du monde ? »
Il ne s'agit pas d'emmener la marche du monde, mais de réfléchir aux moyens de « rénover » la civilisation occidentale, dont la décadence actuelle est manifeste à toute personne valide...
« D'un Dieu qui est d'ailleurs oriental ? »
Pas au nom de Dieu, en ce qui me concerne. Notez toutefois que celui dont se réclament mes commentateurs chrétiens est représenté à Rome, i.e. en Occident. Cela fait longtemps que le centre de gravité de la Chrétienté s'est déplacé de l'Orient vers l'Occident, de la même manière que celui de l'Islam s'est lui déplacé de la Péninsule arabique vers le sous-continent indien...
« D'une pensée qui est tout sauf une »
La pensée occidentale n'est plurielle qu'en Occident. Hors d'Occident, elle est une, puisque considérée par les autres civilisations, quelles que soient ses nuances philosophiques, comme occidentale. Même l'invasion, en 1979, de l'Afghanistan par le Bloc de... l'Est, est considérée par les islamistes comme une invasion occidentale, du fait que l'idéologie communiste est née en France, en Allemagne et au Royaume-Uni... Vous pouvez tout à fait ne pas vous considérer comme un Occidental, en Occident. Hors d'Occident, on vous fera comprendre qui vous êtes.
« La Turquie peut bien venir en Europe, la Turquie c'est Byzance, lieu essentiel de conservation de la pensée gréco-latine »
C'était Byzance, c'était Constantinople, avant sa prise par les Ottomans en 1453.
Depuis, c'est Istanbul, qui a été le siège du Califat islamique jusqu'en 1924. Byzance est loin...
« lieu d'échanges aussi avec le monde musulman aussi »
Cela le resterait si la Turquie n'intègre pas l'Union européenne. Pourquoi faudrait-il intégrer les lieux d'échange, au lieu, justement, de les laisser dans leur environnement historique (l'Islam) ?
« Pourquoi défendre un pays, type même de l'élément identitaire que l'on choisit pas ? »
Parce que l'on ne choisit que partiellement ce que l'on est. Parce que, attaché ou non à l'endroit où on naît, où on grandit, où on vit, on en est solidaire s'il lui arrive malheur. Quand survient une invasion étrangère, l'envahisseur se fout de savoir que vous êtes un « citoyen-du-monde ».
« Je n'ai pas pour habitude de respecter ce que je n'ai pas contribué à déterminer. »
Parce que vous avez l'illusion de croire que vous êtes le seul à vous être déterminé vous-même.
« On peut choisir de se défaire de ses gangues »
C'est un luxe d'Occidental que de croire pareille fable. On ne se défait jamais tout à fait de ce que vous appelez des « gangues » (je parle, moi, d'identité), ne serait-ce que dans le regard de l'autre, qui sera aveugle à vos (vaines) tentatives d'« évasion ». Surtout, ne croyez pas que la volonté (illusoire) de se défaire de son identité sera un facteur d'affirmation de soi. Sans repère au contraire, l'homme a tendance à se replier selon des instincts groupaux, grégaires, au lieu d'affirmer son individualité. Regardez tous ces « rebelles » qui, ayant renié le modèle vestimentaire de leurs parents, finissent par tous porter le même ridicule accoutrement...
On ne peut vraiment se distinguer de la masse que lorsque l'on en a assumé le substrat culturel.
« je ne me considère pas comme européen ou français »
Ah bon ? Et dans quelle langue discutons-nous en ce moment, sinon en français ? Vous parlez d'autres langues, me direz-vous ? Lesquelles ? L'anglais ? L'allemand ? L'espagnol ? L'italien ? Ce sont là des langues indo-européennes. Et au-delà de la langue se pose la question de la culture.
Quels sont nos référentiels culturels communs, sans lesquels toute discussion serait impossible ?
Quels sont-ils, sinon les traits inhérents à la civilisation gréco-romaine et judéo-chrétienne ?
Croyez-vous sérieusement que vous pourriez avoir la même discussion avec un Papou ?
« Je ne défendrai pas mon pays en cas de guerre mais je sais défendre mes idées par tous les moyens »
Et vous avez la vanité de croire que vos idées ne sont pas attachées à un territoire, en plus ?
Que, à Pékin comme à Dehli, à Moscou comme à Rio, à Riyad comme à Tokyo, vous trouverez tout naturellement une communauté d'idées et de lutte, au sein de laquelle vous combattrez ?
« De même, les voyous basanés qui sucent la blanche moëlle de votre douce France ne sont-ils pas des larves, puisqu'ils savent défendre un territoire les armes à la main, vous non. »
Le jour où la question se posera, soyez assuré que j'apprendrai à le faire comme il se devra...
« Vous vous voulez continuer d'asservir le monde pour continuer à traîner vos boulets et la soumission qui vous sert de vertu cardinale. »
Il ne s'agit pas d'emmener la marche du monde, mais de réfléchir aux moyens de « rénover » la civilisation occidentale, dont la décadence actuelle est manifeste à toute personne valide (bis).
« Moi je ne suis pas sûr que vos chaînes vous rendent libres. »
Quelles chaînes ? J'ai la certitude d'être un homme libre, car je sais qui je suis et d'où je viens.
Et si je sais bien cela, c'est parce que j'ai appris l'histoire de l'Occident auquel je m'identifie...

Roman Bernard