C'est parfois de façon tout à fait inattendue qu'on découvre de merveilleux pot-aux-roses, ou qu'on met le doigt sur une vérité simple mais difficile à exprimer ou compliquée à révéler tant les habitudes et les présupposés sont nombreux. Récemment, c'est en fouillant un marronnier de l'été qu'un stagiaire a pu découvrir que les 500 millions de la Bégum devraient être restitués. Et c'est par un député, habitué des faits, qu'on voit se pointer une magnifique illustration de la parfaite décontraction avec laquelle les élus se foutent ouvertement de ceux qui les payent.
Dans cet article passé relativement inaperçu de Libération, mis-à-part de quelques blogs (par exemple ici), on apprend ainsi que trois députés (sur 577) tentent la transparence.
Evidemment, tant la transparence que les dépenses des députés et l'assainissement de la vie politique constituent des sujets de choix pour un journal en perte de vitesse comme Libé, surtout en Août, période privilégiée pour les marronniers journalistiques. Il n'en reste pas moins que l'information de base est intéressante et éclairante à plus d'un titre.
Dozière, Urvoas et un Montebourg, ébouriffant de sincérité spontanée, se sont donc fendus d'un détail circonstancié des dépenses afférentes à leurs charges de député et leur ventilation au regard des émoluments qui leur sont versés.
Sans aller plus loin, une première réaction s'impose : cet exercice a été mené volontairement par ce joyeux triplet qui, ce faisant, lance un beau pavé dans la mare. Qu'ils soient tous les trois dans l'opposition n'a, évidemment, rien à voir avec cette manœuvre un peu facile qu'on aurait adoré trouver alors que le PS était au pouvoir. Mais foin de mauvais esprit, il reste tout de même que ces trois députés ont donc mené l'opération de leur propre chef. Et je m'interroge : les autres députés ne sont donc pas obligés d'en faire autant ? Oh ? Fichtre.
Sans en rajouter dans l'étonnement factice, on peut tout de même dire qu'il est absolument ahurissant que nos élus ne soient pas correctement pistés à la culotte pour leurs dépenses. Il s'agit de deniers publics, et, de surcroît, ces personnes votent des lois (notamment d'amnistie) ce qui les place dans une position privilégiée pour s'empiffrer. Il apparaît donc absolument indispensable qu'un tel contrôle soit en place. Et pourtant ... rien.
Mais la consternation et l'abattement succèdent à l'ahurissement.
La consternation, elle vient en constatant qu'interrogés par les journalistes, la plupart des députés trouvent que cette vérification de leurs dépenses serait totalement anormale, encombrante ou terriblement 90s. Soyons clairs : ces députés méritent une bonne dose de mépris, une prochaine campagne électorale catastrophique, un score minable et un renvoi dynamité à la vie civile. Et une bonne baffe.
L'abattement, lui, arrive en fin d'article où l'on découvre que finalement, ce qui enquiquine les députés, ce n'est pas de claquer en toute discrétion l'argent du contribuable, ni même qu'on leur en fasse reproche, mais bien et surtout qu'on n'ait pas fait mention des autres (les sénateurs, par exemple) qui sont bien pires.
Une cour d'école.
L'assemblée, à bien des reprises, a évoqué cette image d'une petite cour d'école où chaque gamin joue pas toujours gentiment, où les bagarres sont épiques et ridicules, où, en bref, tout se déroule dans un bazar peu organisé. Mais avec ces articles, on se rend compte qu'en plus, la maîtresse distribue généreusement des bonbons et des bonnes notes, que personne ne doit faire d'efforts et que tout le monde pioche allègrement dans les biscuits.
Quand on lit les réactions (qui valsent mollement entre l'indignation et le refus poli mais ferme) des élus devant la possibilité d'un contrôle, alors que ces mêmes branleurs immatures votent, à longueur d'années, des taxes et des impôts nouveaux qui entraîneront, pour une bonne part, de nouveaux contrôles et de nouvelles amendes, on se dit que la situation n'est pas prêt d'évoluer.
Et d'ailleurs, les députés sont, à l'exception d'un ou deux honnêtes hommes et des démagos qui profitent du battage pour leur agenda politique, parfaitement conscients que tout ceci ne doit absolument pas changer. La transparence, le contrôle, tout ceci, c'est pour les autres, ceux qui trichent (bien sûr), c'est-à-dire le citoyen dont ils ont su s'extraire à la force du vote démocratique et de la machine électorale bien huilée de partis politiques dans lesquels, par nature, la magouille et la manipulation budgétaire sont érigés en art.
Parions en effet qu'à la suite de cet article de Libé, et des quelques commentaires bloguesques ici et là, ... il ne se passera rien. Dozière pourra continuer à gesticuler pour plus de transparence sans obtenir le moindre changement, les autres députés seront bien vite repris par leurs folles activités dépensières, et l'assemblée rouvrira en septembre, fraîche et repue, sans que tout ceci ne laisse la moindre trace.
Ce pays est foutu.