Tout le monde se souvient du légendaire cadeau du président Hugo Chavez à Barack Obama, durant le Sommet des Amériques, à Trinidad. Il aura suffi de quelques heures pour que le livre d'Eduardo Galeano passe des mains d'un président à un autre, puis à la deuxième place des meilleures ventes du New York Times.
Le Plan révolutionnaire...
Désormais, c'est bien plus qu'un ouvrage, que le président vénézuélien promeut : « Aujourd'hui, nous lançons le Plan Révolutionnaire de Lecture. Lire, lire, lire, lire. Ce devrait être notre slogan pour chaque journée », annonçait-il en avril à la nation. Et depuis, un mouvement global agite le pays. À son épicentre, des dons par milliers, impulsés par le gouvernement, d'ouvrages de Cervantès ou de Victor Hugo, en place publique et à travers tout le pays, « pour promouvoir la lecture et bâtir des valeurs socialistes et humanistes ».
Et des files d'attente, pour recevoir Les misérables, se sont créées, accompagnées d'une liesse étonnante. Une mission politique de la lecture que plusieurs éminents universitaires du pays voient d'un oeil soupçonneux. Trouver le Manifeste de Karl Marx, des discours du président Chavez et Hugo dans une même liste de livres font de ce Plan une sorte de géant aveugle et l'on redoute principalement une tentativement d'endoctrinement.
...à vocation politique ?
Met-on simplement à la portée du public et de tous des livres, que chacun sera libre d'interpréter ? Car il faut savoir que le prix des livres dans le pays est parmi les plus chers au monde. Pour le gouvernement, on souhaite montrer les bienfaits de la lecture, là où l'opposition dénonce une police de la pensée. Les escouades chargées de la distribution porteraient en effet des couleurs différentes de vêtements en fonction des ouvrages donnés...
Argent, toujours l'argent
Pour Victor Garcia, directeur commercial de Random House Venezuela, cette campagne ne vise pas la promotion du livre : « Ils donnent des livres gratuitement. C'est quelque chose de très différent. » Et avec la présence d'Oscar Wilde ou Allan Poe, on se demande quelle lecture politique on peut cependant faire. Mais Victor n'en démord pas : la contradiction existe, au sein de ce plan gouvernemental que d'offrir des livres gratuits, alors que les ouvrages en librairie sont parmi les plus onéreux.
De fait, le prix du pétrole a impacté directement le pays, et l'arrivée de capitaux étrangers se raréfie, au point que certains secteurs, comme le livre, ont été classés dans la catégorie « non prioritaires ». Se procurer les fonds pour importer des livres devient alors plus compliqué. Ces distributions gratuites ne serviraient donc pas une cause idéologique, mais plutôt économique.
Et, ironie du sort, le pays ne dispose pas des droits pour produire et distribuer en masse le livre offert à Obama...