On arrive à leur première œuvre la plus totale : Tago Mago, la bible du rock psychédélique et expérimental. Ce double album est leur plus extrême, mais aussi le plus souvent cité en référence. Les pépites Krautrock de la première moitié vont faire figure de modèle du genre. Sur une obstination répétitive increvable, les compositions élastiques (accélérations rythmiques, belle mélodie introductive menant à des chuchotements narcotiques sur Paperhouse) démontrent l’aptitude de Can à mettre en avant l’imprévisible. Le groupe créé aussi une des lignes de basses les plus mémorables sur Oh Yeah, nouveau morceau ovni, quelque part entre les étoiles (le clavier planant) et les bas fonds ténébreux (chant passé à l’envers, batterie disciplinaire d’une précision inhumaine). Hallelluyah clôture cette première face de sa gigantesque fête tribale et futuriste de 18 minutes.
La deuxième partie se concentre sur l’expérimentation pure, avec Augmn et Peking O. Est-ce que cela doit se traduire par un ennui abrutissant ? Non, leurs créations formalistes ressemblent plutôt à des jeux cérébraux délirants, préfigurant les usages des samples dans les musiques électroniques. En effet, Holger Czukay prend le meilleur de leurs sessions improvisées pour les assembler par collages (montage, accélération, et ralentissement des bandes passées en boucle). Peking O se trouve plus réussi que le terrifiant Augmn, par sa concision et la performance hautement physique de Damo Suzuki, totalement en transe lors de l’enregistrement de sa voix, improvisant jusqu’à déblatérer des paroles dans une langue inconnue et à une vitesse insoutenable. Après un disque aussi radical, le groupe Can va reprendre ses esprits et se diriger vers la lumière, avec Ege Bamyasi.
François.
Tracklist:
1. Paperhouse (7:28)
2. Mushroom (4:03)
3. Oh Yeah (7:23)
4. Halleluhwah (18:32)
5. Aumgn (17:37)
6. Peking O (11:37)
7. Bring Me Coffee or Tea (6:47)
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