Voici quelques exemples de questions auxquelles un candidat doit se confronter à l’examen du Code. Ce qui est très difficile à accepter, c’est qu’on exige du candidat un système de raisonnement très différent de l’acquisition classique du savoir. Influence du libéralisme anglo-saxon? Influence du langage informatique ? Nous serions plus à l’aise avec un questionnaire du genre "Que signifie ce panneau? Quel véhicule a la priorité ? Ai-je le droit de stationner ? " etc. Questions simples, questions claires. On sait ou on ne sait pas.
Ce n’est plus ça. La nouvelle pédagogie (pas seulement pour le code de la route) se veut ludique : il ne s’agit plus d’évaluer mon savoir, il faut que je gagne (et si c’est un concours, je dois être le premier). Les connaissances s’acquièrent comme dans un jeu de piste, avec des pièges, des questions aux formulations alambiquées où l’essentiel se glisse au milieu d’éléments secondaires. Tout est fait pour tromper le candidat avec le côté pervers " on t’a bien eu ! ". L’apprentissage consiste donc non seulement à acquérir des connaissances, mais à s’habituer au mode de questionnement.
Le premier travers de l’examen du Code consiste à mettre au même niveau des questions importantes (" Ai-je le droit de franchir la ligne continue ? A quelle vitesse doit-on rouler en agglomération ?") avec des questions d’intérêt secondaire (" L’essuie-glace arrière est-il obligatoire pour les véhicules de tourisme ? Combien de points va-t-on me retirer sur mon permis si je téléphone en conduisant ?"). Le candidat est pénalisé de la même manière s’il répond faux à l’une ou l’autre de ces questions.
Outre la formulation discutable des questions, il y a souvent le manque de clarté de l’image : on ne peut pas toujours juger sur une photo 2D si l’on a assez de distance pour dépasser un véhicule. Ou si on circule sur une route à sens unique ou à double sens. Ou si le véhicule en face de nous est arrêté ou pas, etc.
Enfin, les questions posées proposent souvent un choix entre plusieurs réponses, ce qui a tendance à mettre le doute même si on connaît la réponse. De plus, cela implique un temps de réflexion qui serait catastrophique si on devait le prendre en conduisant !
Bien souvent, ce genre de questions est posé, concernant des piétons ou des cyclistes. A chaque fois, obligation est faite de les laisser passer, même s’ils ne sont pas sur des passages protégés. Sans quoi, forte amende et retrait de points. Mais ici, " le piéton ne devrait pas être là où il est " (sic) ! C’est moi qui ai la priorité. Je ralentis quand même, mais pas trop pour que le piéton ne croit pas que je le laisse passer ! Réponse A.
Voilà le genre de question très stressante lorsqu’on n’a que dix secondes pour réfléchir ! Le commentaire est sadique : " de toute façon, l’horaire est indiqué sur le ticket ! " Réponse C.
Attention, piège! On sort bien d’une zone où le stationnement était limité à 30 km/h ; par contre le stationnement n’était pas interdit, mais réglementé ! (bien regarder le minuscule horodateur sur le panneau) Réponses A et D.
Autre piège des plus agaçants : sur les routes sans chaussée séparée, le conducteur novice peut rouler à 80 km/h. Donc on répond B. Erreur! Si je peux rouler à 80 km/h, je peux a fortiori rouler à 70 km/h! Réponses A et B. (si je ne clique que sur B, la réponse est considérée comme fausse…)
Au lieu de demander ce que signifient ces panneaux, on affirme des contre-vérités pour tromper le candidat… Réponses : B et D.
Ces exemples ne sont pas exhaustifs, mais assez caractéristiques. Je reconnais qu’après plusieurs heures d’entraînement, on finit par s’habituer au style des questions… comme on s’habitue à Internet, comme on s’habitue aux émissions de variété, comme on s’habitue aux discours de nos dirigeants… petit à petit, ce genre de pédagogie forge des cerveaux propres à accepter une nouvelle forme de société (mondialisation, libéralisme, goût de la compétition, etc) tout ça dans un cadre ludique et joyeux…
Est-ce qu’on a le choix ?
Henry Gold