Il y a un mois, on laissait le beau Bradley Cooper se remettre de son Very bad trip, folle virée dans les rues de Las Vegas. Dans Midnight meat train, on le retrouve dans un genre radicalement différent, puisqu’il incarne un photographe lancé à la poursuite d’un dangereux boucher psychopathe, qu’il soupçonne de s’attaquer aux usagers noctambules d’une ligne de métro de Los Angeles. Une enquête qui va vite tourner à l’obsession, et qui va bouleverser sa vie…
Signée par le japonais Ryuhei Kitamura, cette adaptation d’une courte nouvelle de l’écrivain anglais Clive Barker (1) débarque sur nos écrans forte de son interprète principal, donc, mais aussi de la flatteuse réputation qui la précède, initiée par la presse spécialisée, et des quelques prix glanés au festival de Gerardmer (2).
Au vu de l’œuvre, pourtant, on ne peut s’empêcher de se demander ce qui peut bien justifier toutes ces louanges.
Certes l’ambiance est correctement rendue, grâce à l’exploitation des décors (rames de métro désertes, gare désaffectée, salles d’abattoir et rues sordides) et au travail du chef opérateur Jonathan Sela – clairs-obscurs et éclairages bleutés/froids…
Certes le méchant, auquel l’acteur gallois Vinnie Jones prête sa carrure impressionnante et sa mine patibulaire, est assez impressionnant, suffisamment pour susciter l’effroi chez le spectateur. Et certes, le cinéaste ne lésine pas sur les effets gore spectaculaires et le déluge d’hémoglobine, pour le plus grand plaisir des amateurs de thrillers saignants. On citera notamment une scène de meurtre audacieuse où la caméra épouse le point de vue d’une victime en train de se faire décapiter…
Mais il ne s’agit malgré tout que d’un film d’horreur assez moyen, qui pâtit d’un rythme trop mollasson, d’effets horrifiques trop prévisibles pour être franchement effrayants et d’une intrigue assez simpliste. Et il faudra expliquer à Kitamura et à son scénariste Jeff Buhler que ce n’est pas parce que leur personnage principal est photographe qu’ils doivent s’autoriser l’emploi de vieux clichés cinématographiques, complètement obsolètes. Ceci ruine notamment toute la partie du film consacrée aux relations entre le héros et sa compagne, niaise et peu crédible, et encombre de surcroît l’aspect le plus intéressant du récit, la fascination de plus en plus manifeste du photographe envers le tueur et l’univers de violence qui l’entoure.
Cela dit, même s’il n’est pas exploité à sa juste mesure, cet aspect du film a le mérite d’exister, et l’élève au-dessus du lot de ces films d’horreur édulcorés et formatés pour un public adolescent qui sont produits chaque année. Il induit une réflexion sur notre propre réaction face à la violence. Et la fin du film, c’est-à-dire la partie directement adaptée de la nouvelle de Barker, est franchement réussie, forte d’un « twist » final d’une réjouissante noirceur. Elle nous met face à d’autres dilemmes moraux et d’autres enjeux…
Le film peut en outre s’appuyer sur ses deux interprètes principaux. Bradley Cooper est plutôt convaincant en héros ambigu, mais c’est Vinnie Jones qui lui vole la vedette, parfaite incarnation de cet être monolithique tuant froidement et sans remords. Le bonhomme était connu pour être une vraie terreur sur les terrains de football lorsqu’il était joueur professionnel, avant de se reconvertir en acteur. Vu sa prestation ici, on ne saurait en douter…
Midnight meat train s’avère donc une relative déception, échouant à restituer pleinement l’atmosphère poisseuse de la nouvelle de Clive Barker et restant assez frileux dans son approche de la terreur et de la violence à l’écran (3). Les fans de film d’horreur et de gore y trouveront quand même un peu leur compte, surtout en ces temps de disette pour le genre. Et comme d’habitude, les âmes sensibles sont priées de s’abstenir…
Note :
(1) : « Le train de l’abattoir » dans « Livres de sang volume 1 » de Clive Barker – ed. J’ai lu
(2) : Prix du public et Prix du Jury Sci-Fi en 2009
(3) : C’est quand même très violent et très très sanglant, mais on frémit trop peu…