Les mots de la géographie

Publié le 05 août 2009 par Geo-Ville-En-Guerre @VilleEnGuerre

Une nouvelle série de billets pour présenter les concepts souvent utilisés dans ce blog, afin d'éclairer les propos tenus et l'approche spatiale de l'analyse de la ville en guerre proposée ici. Revenant à la fois sur les définitions des différents dictionnaires de géographie et sur les nombreuses ressources disponibles en ligne, il s'agit plus de proposer un "guide" des sources pour appréhender les différentes notions couramment utilisées. Pour inaugurer cette série de billets, voici quelques définitions et ressources sur la "géographie" elle-même. Dans ce travail de thèse, j'ai souvent été confrontée à des remarques du type : "je comprends bien l'intérêt de votre sujet, mais pourquoi la géographie ?". Non, la géographie, ce n'est pas apprendre par coeur toutes les rivières et villes moyennes du monde...
La géographie dans les dictionnaires de géographie :
Roger Brunet, Robert Ferras et Hervé Théry, 1993, Les mots de la géographie : dictionnaire critique, Reclus / La Documentation Française, Montpellier / Paris, 2ème édition (1ère édition 1992), pp. 233-238.
"1. L'une des sciences des phénomènes de société. La géographie a pour objet la connaissance de cette oeuvre humaine qu'est la production et l'organisation de l'espace.
2. L'ensemble des lieux d'un espace donné, pris dans leurs différenciations, leurs caractéristiques, leurs relations internes et externes, leur organisation."
5 parties sont développées dans cet article, montrant la pluralité des acceptations du terme et des écoles qui en découlent :
I/ Le champ de la géographie => "La géographie est d'abord une intelligence de l'espace [...] Les sociétés humaines créent leur propre espace : consciemment par leurs décisions d'implantation et d'aménagement ; inconsciemment, par l'ensemble de leurs pratiques spatiales. [...] Cet espace, fruit du travail et de la communication, sert à la reproduction sociale. [...] L'espace est différencié et il est organisé. [...] Les espaces sont structurés." Dans ce dictionnaires, les auteurs analysent chacune de ces acceptations de la géographie en tant que science analysant l'espace. On se reportera également à la vidéo du site Curiosphère qui propose un extrait de l'émission Les grands entretiens avec Jean-Robert Pitte sur la question de "l'espace géographique". Voir également l'article de Jean-Pierre Chevalier : "Quatre pôles dans le champ de la géographie ?", Cybergéo, n° 23, 8 avril 1997.
II/ La géographie comme science => qui, en tant que science qui analyse la géographie selon les différentes acceptations et champs de recherche envisagés dans la 1ère définition, "étudie donc à la fois des distributions spatiales, et des organisations spatiales". Il ne s'agit pas seulement de constater les localisations pour tel ou tel phénomène, mais également de comprendre les facteurs explicatifs de l'organisation de l'espace, les enjeux sociaux et politiques, les conflits territoriaux entre différents groupes, les représentations pour les utilisateurs de l'espace étudié... La géographie est ici entendue comme un savoir opératoire qui permet de comprendre le monde à travers une analyse multiscalaire qui met en exergue les territorialités des sujets étudiés.

III/ Les géographies
=> Les auteurs reviennent sur les différentes acceptations de la géographie dans l'histoire : le concept s'est transformé et étoffé. Dans cette partie de l'article, les auteurs reviennent également sur les différents paradigmes portés par différents courants de pensée à l'intérieur de la discipline géographique.
1- La géographie comme description2-La géographie comme reconnaissance3- La géographie sacrée4- La géographie "mathématique"5- Le paradigme impérial
6- Le paradigme naturaliste
7- Le paradigme géopolitique
8- Le paradigme civique
9- Le paradigme écologique
IV/La géographie comme état de fait => "La géographie n'est pas seulement une science : elle est souvent définie comme un état. On parle alors de "la géographie" d'un pays, d'une contrée, quelque chose qu'il faut démêler pour s'y retrouver".

V/ Géographie appliquée
=> "nom porté pendant un certain temps par la géographie produite à la demande et pour le compte d'utilisateurs déterminés, tels que l'Etat, les collectivités locales, les entreprises". Cette partie permet aux auteurs de distinguer une géographie appliquée (qui peut, bien qu'elle réponde à une recherche demandée et structurée dans les attentes par une institution, être l'émulation d'une recherche rigoureuse et le plus objective possible - c'est-à-dire indépendante de l'avis de celui qui commande la recherche, et menée avec les outils méthodologiques utilisés dans le cas de recherches plus "libres") d'une géographie impliquée, c'est-à-dire que la géographie, en tant que science humaine, doit être conçue avec un grand regard critique quant aux méthodologies et aux limites de toute recherche.


Jacques Lévy et Michel Lussault (dir.), 2003, Dictionnaire de la géographie et de l'espace des sociétés, Belin, Paris, pp. 399-401.

Cet article rédigé par Jacques Lévy est entièrement disponible sur le site de la revue EspacesTemps.net. On se reportera également à l'article de Martin Vanier : "De la géographie comme science sociale...", EspacesTemps.net, 2004.
"A. Science qui a pour objet l'espace des sociétés, la dimension spatiale du social.
B. Objet de cette science, espace des sociétés ("espace géographique").
"
On retrouve les différentes acceptations proposées par les autres dictionnaires de géographie : la géographie est à la fois la science et l'objet de cette science. Jacques Lévy utilise également le pluriel "Géographies" dans son article, soulignant par là les évolutions de cette science depuis la géographie dite classique, et les nouveaux paradigmes inaugurés par "le tournant culturel". Dans la laprésentation de la géographie comme science, l'auteur revient sur les enjeux actuels pour cette discipline :

  • "L’intégration systématique des apports des autres sciences sociales et de la philosophie dans les domaines encore peu explorés par les géographes : rôle de l’espace dans les sciences du psychisme et notamment les sciences cognitives, philosophie de l’espace, géohistoire, philosophies politique et morale appliquées à l’espace.
  • En relation avec cet enrichissement des substances, le renforcement d’une géographie analytique qui, renonçant à l’affirmation cartésienne d’un espace absolu géométrique, prenne davantage en considération l’importance de l’échelle et la diversité des métriques.
  • Une nouvelle réflexion sur la nature, conçue comme rapport social au monde bio-physique, qui, dans son principe, concerne et intéresse la géographie ni plus ni moins que les autres sciences sociales mais qui, compte tenu de l’expérience de la cohabitation entre les « branches » de l’archéo- et de la proto-géographie, peut trouver une place innovante dans le nouveau dispositif.
  • Un effort de renouvellement théorique considérable sur la carte, qui doit redevenir un point d’appui langagier pour la production et la diffusion de connaissances scientifiques sur l’espace.
  • L’ensemble des débats théoriques des sciences sociales, notamment les relations social/sociétal, communauté/société, individuel/collectif, mémoire/projet, économique/sociologique, politique/géopolitique.
  • La mise en discussion des problèmes d’objet, de méthodes et de techniques tels que la relation disciplinarité/transdiciplinarité du social, théorique/ empirique, qualitatif/quantitatif, recherche fondamentale/expertise/action citoyenne"

L'article revient également sur les paradigmes à éviter : il ne s'agit pas d'enfermet la géographie, mais bien de l'entendre comme une science analysant l'ensemble des phénomènes sociaux au prisme de leur spatialités et l'ensemble des acteurs/utilisateurs de l'espace au prisme de leurs territorialités.
La géographie par Marcel Roncayolo :


Source : Canal Académie, 6 avril 2000.