Leméac
120 pages
Résumé:
Derrière les mots et les personnages de La pêche blanche se cache une dure lecture de la vie défaite, comme un désespoir fini où pour deux frères, l'un à Chicoutimi et l'autre à San Diego, l'hiver de février n'est plus une réalité mais un état qu'on porte en soi. État d'où surgissent, des forces souterraines et souvent muettes de l'appartenance et du déracinement, des êtres d'une force infinie et pourtant tranquille, écrasés sous le poids de vivre dans cette mémoire lumineuse d'une enfance dont on n'est jamais à l'abri.
Mon commentaire:
La pêche blanche est au centre du roman. C'est aussi elle qui réunit les deux frères Simon et Robert, qu'à peu près tout sépare. La pêche blanche est un livre sur la famille, la solitude et l'hiver. Simon et Robert ont vécu une enfance difficile au Saguenay. Leur père est un symbole très fort de ce qu'a pu être toute une génération de pères à cette époque: un pilier de roc, sévère, sans émotion. Dès qu'il a pu, Simon a prit la fuite. Dans plusieurs pays. Sur de nombreuses routes. Il voyage, sac au dos. Il vit un peu ici, un peu là. Robert, un enseignant, s'est résigné au froid, à la vie. Il rend visite à ses parents une fois aux deux semaines. Il n'y est jamais à l'aise. Simon est libre. Robert a épousé sur le tard une femme pleine de principes, qui ne comprend pas la sensibilité de Robert. L'enfance de Robert se poursuit dans sa vie d'adulte et n'est que résignation. Il se résigne à son sort, en rêvant de pêche blanche et de maison rouge avec vue sur le Saguenay.
Les deux frères s'écrivent à l'occasion. Robert envoie des boîtes de livres à son frère. Leurs deux univers sont à des lieues l'un de l'autre. La pêche blanche est un livre sur l'enfance et sur les souvenirs qui unissent deux frères. C'est aussi un livre plein de tristesse et de résignation, où l'hiver de février n'en fini plus de neiger, jetant un baume glacé sur toutes les douleurs du coeur. Ou peut-être les exacerbe-t-il?
Dans le roman, il est fait mention à plusieurs reprises de romans que Robert envoie à Simon et de ces mêmes romans que Robert fait étudier à ses élèves. Il y a souvent une descriptions des livres, mais il y a peu de précision quant aux titres. J'aurais aimé savoir si ces livres sont une invention de l'auteur où s'ils existent réellement. Il n'y a aucune précision à cet effet. C'est bien dommage, j'aurais apprécié trouver un glossaire des livres dont il est fait mention, toujours s'ils existent, naturellement!
La pêche blanche est le troisième livre de Lise Tremblay que je lis. J'avais adoré son recueil de nouvelles La héronnière. Je n'avais pas été très sensible à L'hiver de pluie, même si je réalisais la qualité de l'écriture. La pêche blanche est un roman quelque part entre les deux. Il possède tous les ingrédients qui me plaisaient de La héronnière, mais reprend aussi des thèmes de L'hiver de pluie. C'est un excellent livre que j'ai beaucoup aimé. Mon seul regret est que j'aurais dû me garder cette lecture pendant les longs mois d'hiver. L'auteur offre de magnifiques passages sur la saison froide et l'atmosphère est neigeuse, remplie du froid de février qui s'étire et ne se termine pas.
Quelques extraits:
"Je lis un roman que je pose souvent devant moi, pour le lire moins vite. Je le fais toujours avec les livres que j'aime. C'est une histoire qui me prend à la gorge. Une histoire du Nord. Un homme désoeuvré parcourant des États entiers pour aller combattre des incendies de forêt. J'avais moi aussi une histoire du Nord mais je n'y pensais jamais. Je me réfugiais dans celles des autres. Celles des Américains surtout, pour qui le nord était le Michigan. J'aimais la lenteur de ces romans. La langueur de l'automne permanent qui y règne. L'automne y est une très longue saison avant l'arrivée de la neige. Mon nord à moi était différent, il y avait les camions, l'alcool, mais en plus, le silence, le froid, la désespérance. Le mot venait de me traverser. La désespérance est un mot du nord, un mot qui se colle au nord, à l'inconfort qui dure des mois, au poids des vêtements, au vide, aux villages fantômes sur les rives du fleuve et que le vent traverse maintenant sans résistance, parce qu'il faut des hommes pour résister et que c'est dans cette résistance qu'ils trouvent leur raison de vivre. J'ai déserté depuis longtemps, mais l'état d'hiver, lui, est revenu s'installer chaque année. Je sais qu'on n'y échappe pas." p.14
"Je suis content d'être revenu en hiver. Ce qui m'a le plus étonné, c'est la lumière, la qualité de cette lumière. C'est inexplicable. Ça traverse tout, même l'âme." p.106