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Absent des prétoires depuis plus d'un an, l' avocat Mickey Haller hérite de la clientèle de son confrère Jerry Vincent, assassiné dans un parking. Après avoir reconstitué son équipe, l' avocat va devoir défendre une dizaine de jours plus tard Walter Elliot, magnat du cinéma accusé d' avoir tué sa femme et son amant .
Michael Connelly, devenu en quinze ans la star du roman noir américain, est un spécialiste des polars judiciaires depuis 1994. Il dénonce avec réalisme et acuité les travers du système judiciaire américain, mais il s'attache en plus dans ce roman à peaufiner un personnage complexe aux prises avec les contraintes du milieu, les contradictions du métier, et des scrupules moraux. Ce dernier est un redoutable prédateur, capable de sauver les crapules qu'il doit défendre, mais en même temps, un être humain fragile, en quête d'intégrité et de vérité, capable de défendre gratuitement un client . Jusqu'où peut-on défendre l'indéfendable ? Jouer avec le mensonge sous prétexte qu'un autre mensonge fait risquer la peine de mort à un innocent ? Jusqu'où un avocat de la défense peut-il exercer son job à Los Angeles, sans basculer lui-même dans la corruption et le cynisme ? Comment se réconcilier avec sa fille de onze ans et se blanchir à ses yeux ?mais comment refuser un tel client pactole ?et comment déjouer les multiples mensonges que ce dernier ne cesse de lui servir ? Alors qu'il se prépare pour le procès Elliot qui devrait lui assurer la célébrité et de substantiels revenus, il découvre que lui aussi est en danger . Entre en scène un policier Harry Bosch, prêt à tout pour arrêter le meurtrier de Jerry Vincent, y compris se servir d' Haller comme cible.
Quoique peu attirée par ce genre romanesque, je me suis laissé
entraîner par l'intrigue inventive, l'écriture précise et ramassée, les dialogues bien menés, la portée morale de l'ensemble ( le fait que des hommes de loi ne cessent de franchir la frontière entre le bien et le mal en toute conscience des risques qu'ils prennent ) enfin, un puissant effet de réel .Sans doute le personnage de l'avocat Haller d'une grande vérité psychologique a-t-il été inspiré par des individus réels rencontrés par l' auteur , lors de sa carrière de chroniqueur judiciaire au Los Angeles Times pendant seize ans. Le fait que l'histoire soit narrée à la première personne, avec le regard de Mickey Haller crée une proximité et un rythme narratif suffisamment tendu, quoique calme les trois quarts du roman. Puis tout s'accélère dans le dernier quart, à partir de la première étape du procès, la sélection du jury. A partir de là, l'auteur dévoile sa profonde connaissance de la machine judiciaire californienne, ses interférences avec les media, la politique, l' économie, le crime organisé. Ce roman fourmille d'observations intéressantes et de réflexions pertinentes sur une société mise à mal par les mécanismes de la cupidité et de la volonté de puissance , même au cœur de l' appareil judiciaire, la déshumanisation de ses serviteurs. Le dernier quart du livre nous réserve une série de rebondissements, de révélations inattendues bouleversant les perspectives du récit, une fin déroutante, mais à la hauteur de la virulente critique sociale
recherchée.