Primo, quelle mouche me pique de faire référence à l’aventure terrible de Lévi dans les camps, en plein milieu du temps des vacances et des plages dorées ? Secundo, pourquoi accoler à son nom celui de Frida Kahlo ?
Tout ce que je peux vous dire, c’est que lorsque j’ai retrouvé hier, en feuilletant un livre consacré à l’œuvre de Kahlo, la reproduction du tableau « Colonne brisée » qu’elle a peint en 1944, le nom de Lévi s’est imposé. Etrangement.
L’arrière-plan du tableau avait des allures incertaines de mer ou de plage, mais ce n’est certainement pas ce détail, fut-il de saison, qui a retenu mon attention. Et d’ailleurs si c’était le cas, pourquoi Primo Lévi ? C’est plus vraisemblablement à cause de la souffrance qui suinte du tableau et du regard de cette femme ; ou du blanc en deuil de sa robe ; peut-être de la belle peau satinée aux seins fermes mais semée de clous ; ou des larmes de sueur. Non so. No sé…
J’admets qu’il y a dans ce choix une bonne part d’arbitraire. Plutôt que le Primo Lévi de la description de l’horreur des camps, c’est l’auteur des poèmes que je relie dans un rebond second et irraisonné, au portrait déchiré de Frida.
S’il fallait raisonner, je dirais : même angoisse sourde ; même souffrance morale autant que physique ; même douleur dans les yeux de Kahlo autant que dans le cœur de Lévi quand il a écrit :
Since then, at an uncertain hour,
Dopo di allora, ad ora incerta,
Quella pena ritorna,
E se non trova chi lo ascolti…