Notre train est arrivé sans retard à Tunxi vers 09h00 du matin. C’est la ville étape par laquelle passent tous les voyageurs en direction des Montagnes Jaunes, « Huangshan ». C’est d’ailleurs le deuxième nom de la ville en chinois. La ville a été modernisée et équipée d’infrastructures modernes pour accueillir les flots de touristes. Le centre ancien près de la rivière garde encore quelques rues pittoresques et animées. Notre hôtel se trouve justement dans ces rues. Nous arrivons vers 10h00 afin de nous présenter et déposer nos affaires. Sans perdre de temps, nous décidons de prendre le bus en direction de la ville de Tangkou qui est le point de départ de notre ascension. Nous arrivons au pied du pic du lotus vers midi. Un homme en uniforme nous demande l’équivalent de 20 euros par personne pour accéder au site. Je vois que les Chinois ont vite compris les principes du capitalisme. Moi qui habite en montagne, je n’aurais jamais pensé à installer un péage au pied d’une montagne. Après un léger repas, nous commençons notre marche au milieu d’une cohorte joyeuse de promeneurs de tous âges et de toutes conditions. Fabrice ne mentais pas quand il me parlait de ses randonnées dans les Alpes. Il marche effectivement à un très bon rythme. Il nous faudra environ trois heures pour atteindre le sommet. Nous nous élevons rapidement au dessus du dessus du fond de la vallée.
À chaque pas que nous faisons en direction du sommet, le paysage devient un peu plus mystérieux. Les Pins se dressent le long du sentier, comme les bouddhas oubliés de quelque époque antique. Leurs ombres dansent sur les parois ocres de la falaise. Parfois, le sentier disparaît complètement et fusionne avec la roche par un mince escalier façonné au fil des siècles. Les arbres se font rares et s’accrochent avec épouvante à l’aplomb des gouffres vertigineux. Les buissons pâles et lourds de silence parfument l’atmosphère d’une odeur de cumin et de cannelle. La chaleur s’écrasait sur nous comme un voile épais. L’humidité constituait au dessus de nous un plafond de brumes dans lequel nous nous enfoncions comme dans les eaux du Léthé. Nous distinguions à peine les marches sous nos pas. De temps en temps, le hurlement lointain d’un promeneur nous apprenait qu’un chinois avait raté une marche. Nous redoublions alors de concentration. Dans ces ténèbres, tout opalescent devenait abstrait ; le bruit, l’espace, le temps… tout s’effaçait comme dans un rêve. Je ne saurais dire si nous sommes restés une heure ou un instant dans les nuages. Après que nous eûmes traversé le plafond éthéré, un autre spectacle onirique s’offrit à nos yeux. Les montagnes jaunes émergeaient en multiples îlots sur une mer de nuages. En voyant ce paysage, je comprenais pleinement la fascination qu’exerçait la montagne sur les sages taoïstes de l’antiquité.